Le silence, cher ami, que j’ai gardé à votre égard, si longtemps et bien contre mon gré, m’emplit de honte quand je pense à vos lettres si amicales, si généreuses. Il faut considérer ma triste vie : les besognes ingrates que j’accomplis ici, sous un climat affreux. Heureux les jours où l’on peut se donner le seul plaisir de ces mornes Échelles : le bain dans la mer bleue et lourde qui se caresse aux rochers blancs. Plaisir en ce moment mêlé d’angoisse : on a vu un requin dans la baie de Beyrouth : un capitaine de corvette que je veux croire un peu visionnaire a vu le sinistre aileron rayer la vague. Parmi les amis des eaux, il a semé la panique. Il est vrai que cet officier –
Je vous sais gré de m’avoir appris les grands événements qui se sont produits dans la vie de Jouhandeau. Je suis sans nouvelles de lui depuis plus d’un an et ne romprai point le premier ce silence que sa volonté seule fait régner entre nous. Qui ne pardonnerait à Jouhandeau les caprices les plus injustes, voire les cruautés les plus gratuites. J'ai aimé, j’aime Jouhandeau pour lui-même, non pour moi. Peut être ce silence est-il pour me mettre à l’épreuve. Jouhandeau est plus femme qu’une femme : il a beaucoup de la tigresse – et des quatre animaux des Evangélistes. Ai-je besoin de dire que je garde la même admiration à l’auteur de Godeau et des Pincengrain. Quelqu’un doit-il parler d’Opales dans la NRF. Si personne ne s’est chargé du commentaire de ce roman, il me semble que j’aimerais pendant les vacances écrire une page ou deux sur lui. Il y a six ans j’ai reçu confidence de ce livre : je sais la place qu’il a dans la vie et l’oeuvre de Jouhandeau : il représente la prime naissance de l’ironie dans un mysticisme de collégien qui n’est encore qu’un droit à l’emphase. Je trouve magnifique le courage de Jouhandeau de faire paraître ce livre maintenant, après tant de livres pleins de
Vous m’avez à deux reprises parlé de Lochac, dont j’ai reçu les livres. L'opinion de Larbaud a tant de prix pour moi que j’en ai commencé la lecture avec l’idée de voir à chaque ligne la vérification de ses éloges. Et bien, je dois dire, pour être franc que je n’ai pas pu trouver en Lochac une seule qualité vraiment poétique. Sans doute la poésie qui s’échappe des cartons renfermant
Je vous avouerai que je n’ai pas beaucoup aimé non plus le Romains de Jean Prevost. J'ai l’infirmité d’être sensible à la moindre nuance de cuistrerie. Vous auriez dû publier cet article traduit en allemand. Ne me croyez pas ennemis des Germains : il leur sera beaucoup pardonné à cause de leur admiration pour Claudel qui est de nos plus
Je n’ai pas beaucoup aimé Variables, je dois dire. Le ton de la sagesse ne convient pas à Suarès : s’il n’aime, il n’est rien, comme disait Racine. Et puis on ne peut inventer en philosophie qu’en moyennant une connaissance parfaite de la technique philosophique.
Je vais écrire à Massignon. C'est un homme qui vit dans une presse inimaginable. Il a été en Afrique du Nord ce printemps comme membre de la Commission Tardieu pour l’extension du Droit de Vote des Indigènes. Il ne peut écrire que des billets, faits de deux ou trois fulgurations.
Je vais vous envoyer un Valery, ou plutôt une étude du livre de Pierre Guéguen. Vous me direz très nettement ce que vous en pensez et si vous estimez pouvoir publier ces pages. Vous verrez que je fais la part belle à Valery : je trouve que la jeune Parque est
J'ai beaucoup aimé vos dernières études, vous vous défendez très justement du reproche de subtilité ! Vous savez qu’on vous l’adresse : je l’ai entendu plusieurs fois dans la bouche de ces gens qui sont incapables de suivre jusqu’au Secret est pleine de bonds silencieux. À chaque instant
J'irai surement en France cet été. Peut être m’y rendrai-je en passant par la Turquie et l’Europe centrale. Ponsot veut qu’on aille un peu observer le mobilisme de l’immuable Turquie, les services que leur rend le nouvel alphabet, ces caractères latins que Massignon voudrait voir adoptés par le monde arabe : car il est mystique en un sens très intérieur et méprise les signes, leur caractère esthétique et le faux sentiment « artiste » ou « passéiste » qui nous attache à eux. Cette si belle écriture arabe, il la regarde « comme du fumier ».
Mais j’irai surement vous voir à Paris en octobre.
Croyez que je suis, avec beaucoup d’admiration et de fidélité, votre ami reconnaissant.