Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Jacques Brenner à Jean Paulhan, 1951 Brenner, Jacques (1922-2001) 1951 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1951 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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mercredi, [51]

Cher Jean Paulhan, je vais vous envoyer aussi un petit livre baptisé Les idées reçues qui représente en quelque sorte l’armature d’un roman-feuilleton. C'est un ouvrage ironique comme je voudrais qu’apparaisse L'étudiant de Rennes.

Mais l’étudiant est, mieux encore, un ouvrage critique. C'est un roman de moeurs qui se décompose en un document et en une critique. Critique d’un ordre de sentiment et, plus généralement, procès de la passion amoureuse (par dela la forme qu’elle revêt ici).

Je suis très content de ce que vous me dites du ton et de l’allure de l’ouvrage et je compte faire les suppressions que vous conseillez. Mais avez-vous pu penser qu’était mienne la définition de la poésie sur laquelle vous avez buté ? Les « arbres tremblotants » seraient en effet inadmissibles si je ne prétendais faire sourire. (Je suis très ennuyé si c'est une prétention injustifiée.)

Les personnages du livre - comme presque tous ceux de mes précédents ouvrages – sont des « équivalents » de personnes réelles. Il me semble avoir besoin de « liquider » les gens que j’ai connus avant d’en inventer qui m’appartiennent en propre. A ce moment, je pense que je n’aurai plus besoin d’ironie. Et je pourrai parler de « mes » héros. J'ai actuellement surtout des modèles (exemples à ne pas suivre).

Le plan de L'étudiant. Première partie : quinze journées de la vie de deux personnages, récit froid et dégagé d’une passion (absurde comme toutes les passions de ce genre). Deuxième partie : retour sur le professeur, son existence limitée à ses aventures sentimentales et sexuelles (j’ai bloqué sur ce personnage à peu près tout ce que je peux savoir de l’amour masculin, peut-être en ai-je trop mis). Son passé explique la flambée de la 1ère partie. Troisième partie très brève qui est la retombée d’un élan désespéré.

Il importait de prendre le seul parti de l’exactitude car il ne s’agit pas de prouver quoi que ce soit. Il me semble que l’on parle trop de ces histoires, mais très mal, sans justice ni justesse. C'est ce qui autorise à en parler encore. Si quelques critiques s’intéressent au livre, je serais ennuyé qu’ils en écrivent comme d’une chronique scandaleuse. Il n’est pas du tout cela.

Pour L'Enlèvement, Marcel Arland m’avait dit qu’il pourrait faire l’'objet d’une publicité séparée. J'aimerais qu’il paraisse en même temps que (et non avec) L'étudiant. Ce n’est assurément qu’un divertissement, mais c’est sur sa légèreté même que je voudrais insister.

Bien à vous,

Jacques Brenner