Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Jean Cassou à Jean Paulhan, 1953-11-06 Cassou, Jean (1897-1986) 1953-11-06 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1953-11-06 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
M. Jean Cassou
4 r. Antoine Dubois
E. V. (6)

à 2 ex. 

Mon cher ami
Ne plaisantons pas. Nous savons très bien ce que pensait Rimbaud en 1970 : il a écrit noir sur blanc que la France le dégoûtait. Nous savons très bien ce que pensaient en 1896 Paul Valéry et son ami Degas : ils étaient antidreyfusards et antisémites. C'est en quoi, à mon sens, ils se trompaient. J'avoue pourtant que je ne les tiens pas responsables des camps d'extermination. Non, pas plus que Jouhandeau, Chardonne ou Bernanos (ce disciple de Drumont).

Ici vous me dites : "Se demander ce que l'on eût fait en face de Rimbaud, quelle amusette, quel drôle de jeu ! Il me suffit de me trouver en face de Céline." Si je vous comprends bien, la mémoire est admirable tant qu'elle ne remonte qu'à quinze ans mais détestable et ridicule sitôt qu'elle veut remonter à cinquante ou quatre-vingts ans. Il faudrait pourtant s'entendre : si la mémoire, comme vous le prétendez, est en soi chose excellente je ne vois point du tout comment il lui suffirait de se prolonger - de devenir un peu plus mémoire - pour se trouver absurde. Si la mémoire est en soi absurde cessez de l'invoquer à tout propos (et le Maréchal, dont vous vous couvrez adroitement, n'est pas non plus en ces matières une autorité).