Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Jean Cassou à Jean Paulhan, 1954-05-02 Cassou, Jean (1897-1986) 1954-05-02 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1954-05-02 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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2. V [1954]

Cher Jean, mais bien sûr qu’il y a une contradiction dans ce que je vous disais, et j’espérais qu’elle vous ferait sourire: je pense que la littérature n’est pas une chose sérieuse, mais je pense qu’il pourrait être fort sérieux d’écrire un livre. Appelez ça, si vous voulez, plutôt qu’une contradiction, un paradoxe. Mais vous qui êtes si raisonneur, vous ne procédez que par sophismes. Voilà: nous venons de mettre le doigt sur la différence qu’il peut y avoir entre deux méthodes: [mot barré illisible] un abîme - infranchissable.

En rêvant là-dessus je me suis promis d’écrire un texte qui s’appellerait: Des pouvoirs de la littérature. Mais de l’écrire pour moi, pour me marquer nos différences. Si c’est là le texte que je vous proposerai pour la nrf, - puisque vous m’y invitez avec une insistance dont je vous sais vraiment gré - vous ne le prendrez sûrement pas. Vous ne pourrez pas le prendre. Mais au moins je vous en aurai fait part, - comme à moi-mêmeJean Cassou, "Des pouvoirs de la littérature", La NNRF n°21 (septembre 1954)..

Toujours votre manie raisonnante et vos petits jeux. Que serait-il arrivé si Napoléon avait gagné la bataille de Waterloo ? Si Rebatet avait été fusillé, ce qui eût été fort bien fait, il n’aurait pas écrit ces beaux romans qui vous enchantent et que je n’ai pas lus. Mais quoi? Il aurait été fusillé. Et s’il n’était pas venu au monde il n’aurait pas commis les crimes qui lui ont valu d’être condamné à mort. C'est donc son existence que je déplore et que j’estime un mal. Un mal à faire disparaître à quelque moment que ce soit. Alors que voulez-vous que me soient ses romans, ou les bonnes notes qu’à un autre moment de cette existence, celui de sa première communion, il a pu obtenir au catéchisme? Ou, comme je vous le disais: son adresse à jouer du violon? Mais nous n’en finirons jamais.

A bientôt donc, cher Jean, et ma fidèle affection. Je penserai à ce Schwitters.

jc