Le 24 décembre 1958Lettre en réponse à celle de JP, PLH_125_020878_1958_01.
Mais je n’avais pas du tout compris que ces troubles étaient d’origine cardiaque ; non que ce soit plus dangereux que le reste mais il faut tellement plus d’attention, de calme et de prudence et ne pas galoper comme vous faites et ne pas faire de gymnastique intempestive, ni de longues marches. Enfin vous êtes je l’espère en de bonnes mains médicales. Non, j’ignorais tout de la nouvelle affectation de cette Vallée aux loups et c’est assez chic que la mémoire de Châteaubriand soit protégée par ses pareils.
Oui je trouve aussi qu’il y a dans la Semaine sainteLouis Aragon, La Semaine sainte (Gallimard, 1958). à peu près tous les dons d’Aragon mais aussi et terriblement ses limites. AurélienLouis Aragon, Aurélien (Gallimard, 1944). m’avait paru malgré tout une chose plus vraie pour lui et pour le lecteur, l’obsession y était constamment émouvante et remplaçait avantageusement cette encyclopédie [un mot] appliquée et un peu lassante de la S. S. [Semaine sainte]. Cette jeunesse qu’il s’évertue à maintenir dans la S[emaine] S[ainte] était dans Aurélien à l’état de nature et toute dissertation pro domo en était absente. Enfin les « je m’en fous et contrefous » si inutiles n’étaient pas présents non plus pour soutenir la démonstration (assez faiblement). Se détachent sensiblement de cet immense labeur, 3 ou 4 figures sans importance mais présentes. Berthier, M[ademoise]lle Visconti, Gericault assez peu, Richelieu mieux à cause de l’eau de Cologne. Oui, en somme moyens créateurs assez limités mais poésie très grande et sans cesse éveillée animant ces comparses et les réchauffant comme le soleil réchauffe des endroits médiocres et qui ne vivent que par lui.
Non je n’ai pas lu le Paysage cruelEdith Boissonnas, Paysage cruel (Gallimard, 1946). et je n’ai d’ailleurs jamais rien lu de E[dith] BoissonnasEdith Boissonnas (1904-1988) est une poétesse suisse. Elle collabore régulièrement à la NRF depuis 1953. que ce que vous en avez donné dans la NRF. Toujours si curieux, froid comme les pierres dures ; vif et fort, toujours lointain. Pourquoi ? Qui est cette dame ? Est-elle grecque, basque ou espagnole, ou péruvienne. J’ai une fois vu d’elle un beau portrait. Je n’ai pas encore lu Jivago. Faut-il attendre une meilleure traduction JP avait souligné la mauvaise traduction du roman de Boris Pasternak (cf. lettre de JP, PLH_125_020878_1958_01).? Mais son aventure est certes tragique, pauvre Pasternak. Et pourquoi faut-il que des idées fassent tant souffrir ces hommes ? J’ai relu votre Clair et obscurLe Clair et l’obscur était paru en deux livraisons dans la NNRF en avril 1958 (n°64, pp.577-593) et en juin 1958 (n°66, pp. 1006-1026).. Il faut tout à fait que je sache comment vous reçoit, comment vous voit Blanchot. Prêtez-moi son livre sur vous et restez étendu, calme, rieur, en mangeant
[suite illisible]