Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Benjamin Crémieux à Jean Paulhan, 1932-09-05 Crémieux, Benjamin (1888-1944) 1932-09-05 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1932-09-05 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français

Cargèse, 5 sept. 1932

Mon cher Jean,

tu reviens encore sur cette histoire. Moi, je l’avais classée et je n’aime pas beaucoup que tu m’obliges à y repenser.

Tu persistes à traiter cette affaire en rédacteur en chef, à invoquer des principes que tu reconnais n’avoir pas mis en pratique (notes sur MessagesC. Du Bos, Notes : littérature générale, « Messages, par Ramon Fernandez », La Nouvelle Revue Française, août 1926, pp. 238-243 ?, sur Où le coeur se partage)A. Malraux, Notes : littérature générale, « Où le cœur se partage, par Marcel Arland », La Nouvelle Revue Française, février 1928, pp. 250-252., à parler de « l’impossibilité » de refuser une deuxième, une troisième note sur mon livre (c’est d’ailleurs de trois livres qu’il s’agit et une seule note pour le livre chacun des deux premiers a été refusée par moi, la note de Dérieux était la première sur le Bonheur)H. Dérieux, Notes : le roman, « Le Bonheur, par Marie-Anne Comnène », La Nouvelle Revue Française, juin 1932, pp. 1116-1120..

Je me fous des principes et des méthodes parce que je les sais inapplicables, en matière de direction d’une de revue, je sais que les notes de Marcel et de Pourrat ne valaient rien, que le ton de la note de Dérieux était inaccepttable, concernant et que, tout de même, étant donné ma place à la N.R.F. et surtout notre amitié, étant donné que je ne te demandais que le silence sur les livres de Marie-Anne, rien n’excuse la publication de la note de Dérieux sans, au moins, consultation préalable d’Arland et de Fernandez et, j’ajoute, de moi-même.

Tu pourras mettre en revue toutes les ressources de ta dialectique, tu ne sortiras pas de là, d’un point de vue humain. Et j’ajoute : du point de vue de la justice.

Tu as encore l’air de sous-entendre que j’aurais voulu des dithyrambes. Non, j’aurais voulu l’équivalent de ce qui a paru partout ailleurs et de la part même de gens tels que BrasillachRobert Brasillach, Causerie littéraire, [Violette Marinier], L’Action française, 9 juillet 1931, p. 3, [Le Bonheur], ibid., 2 juin 1932, p. 3. L’Action française du 30 octobre 1930 a rendu compte de Rose Colonna, p. 3. Gonzague Truc recensera Été, ibid. 25 mai 1933, p. 3. Malgré quelques réserves, tous ces articles sont élogieux et insistent sur le talent, les promesses de l’auteure. Candide présente et « suit » aussi la jeune auteure, dont il publiera des nouvelles. Voir, entre autres, A. Rousseaux, « Mme Marie-Anne Comnène, une nouvelle romancière », 3 juillet 1930, p. 3. et JalouxM.-A. Comnène est très présente dans Les Nouvelles littéraires, au cours des années trente. Edmond Jaloux dans sa chronique de l’Esprit des livres, a commencé par consacrer une recension à Rose Colonna, Les Nouvelles littéraires, 28 juin 1930, p. 3. que je n’ai pas épargnés et qui n’ont aucune raison de me faire la cour.

Tu vas dire que je répète toujours la même chose, mais s’il n’y a qu’une chose à dire…

Tu me reproches de t’avoir dénoncé à Gallimard. Non, j’ai voulu rompre sans avoir à discuter avec toi.

***

Pour ce qui est de la conduite qu’il eût fallu tenir, je vais encore répéter des choses que je t’ai déjà dites, je crois bien. Après mon refus de la note de Marcel [Arland], ton refus de la note RivalVoir la lettre du 26 janvier 1932 ainsi que la correspondance entre Marcel Arland et Jean Paulhan – 1930 et 1932., il fallait ou bien te charger ou bien me charger de trouver une note qui nous satisfît tous les deux, ou encore décider de n’en pas publier.

À défaut de cette entente, il fallait après mon refus de la note Pourrat me dire : « Je désespère de trouver une note qui te satisfasse. Trouves-en une toi-même, mais je te préviens que j’exercerai mon droit de veto aussi strictement que toi. » J'aurais ri et je t’aurais apporté une note équilibrée. Et tout cela se serait passé au plein jour, sans gêne pour Arland ni Fernandez, sans cancans d’X ou d’Y…

***

Je t’ai dit que les principes m’importaient peu. Ce n’est pas que je n’approuve ceux que tu m’exposes et qui m’ont été appliqués avec mon entier consentement tacite pour le Panorama, la BelgiojosoVoir entre autres la lettre de B. C. à Jean Paulhan (1928) – 1928., la GrenouilleB. C., La Grenouille et les Trois Nourrices, avec un portrait de l'auteur frontispice de Marguerite Tiquer, Carcassonne, Coll. A la porte d’Aude, Editions d’Art Jordy, 1930 [à la mémoire de François Baron, Louis Huilliet et Georges Piglowski, trois de ses amis narbonnais morts à la guerre]. et même pour InquiétudeVoir B. C., « Inquiétude et reconstruction » [Bonnes feuilles] ; La Nouvelle Revue Française, mai 1931, pp. 671-690. qui a donné l’élan à une chronique de SauratDenis Saurat (1890-1958), « L'après-guerre : le style moderne », La Nouvelle Revue Française, novembre 1931, pp. 793-800 ?, mais dont il n’a pas été rendu compte.

Mais si ce silence est juste pour nous qui avons fait notre carrière à la N.R.F., il ne saurait être applicable à la débutante qu'était Marie-Anne et qui devait être traitée en débutante, avec l’accent sur l’apport positif, les promesses, etc. et,

***

Laisse-moi te dire encore ceci. Ni Arland, ni Fernandez, ni Schlumberger ne m’ont fait la moindre allusion à la note Dérieux.

Comment veux-tu que je me sente à l’aise devant tant de silence et de réticence de leur part ?

Un comité de direction implique avant tout entre ses membres une confiance entière. Il implique aussi de leur part (comme tu l’indiques) un désintéressement positif.

D'autre part un comité de direction doit avoir un droit de contrôle et aussi d’initiative sous peine de n’être qu’un paravent.

***

Nous comptons être à Paris le 12 septembre.

Ton

B. C.

Cette lettre-ci ne répond qu’à une partie de ta lettre. Elle est destinée à clore pour ma part « l’affaire Dérieux ». Je tâcherai de t’en écrire une autre sur « l’affaire N.R.F. ».