CERCLE LITTÉRAIRE
INTERNATIONAL
SECTION FRANÇAISE
de la Fédération
P. E. N.
l’injustice, c’est de n’avoir pas publié de note sur Rose ColonnaRose Colonna, par Marie-Anne Comnène », La Nouvelle Revue Française, juin 1932, pp. 1116-1120.Violette MarinierR.C. et V.M. à quelques remarques que je t’ai faites, sans aucune arrière-pensée, sur les mots, comme c’est mon rôle de membre du comité de direction.
Tu as manqué de simplicité et de franchise avec moi, tu as manqué d’amitié envers Marie-Anne et de justice envers ses livres. Voilà le vrai. A présent tu voudrais me faire croire, et te faire croire, que j’ai exigé pour R.C. et V.M. César Borgia et d’un Marceau.R. C. T'en ai-je voulu? La note de Marcel [Arland] (dont l’importance était grande puisqu’elle aurait été la première sur ce premier livre et aurait donné le ton) était hâtive et ne rendait pas compte de l’essentiel du roman ; il a admis lui-même qu’on ne la publiât pas et jugé qu’on devait en publier une autre. Tu étais libre de publier ce que tu voulais sans me consulter : tu n’as rien publié.
Pour V. M., tu n’as rien demandé d’urgence puisque la note de Pourrat aurait paru trois mois après le livre. Cette note de Pourrat a été refusée d’un commun accord par nous deux, non pas à cause des réserves qu’elle contenait (elle n’en contenait pas), mais parce qu’elle avait l’air d’une note de complaisance (exactement le contraire de ce que tu insinues). Il a été convenu de demander une note de Fernandez et que tu la publies sans me la montrer. Tu as commis une petite trahison en faisant savoir à Fernandez qu’il y avait eu une note de Pourrat refusée et en lui laissant croire que c’était à cause des réserves qu’elle contenait. Fernandez était et reste encore libre de faire toutes les réserves qu’il veut…
Le résultat de tout cela, c’est que non seulement tu n’as pas signalé aux lecteurs de la N.R.F. les livres de Marie-Anne, mais encore que tu as tout l’air de vouloir, aux yeux de Fernandez, d’Arland, de qui encore ?, créer une légende autour de Marie-Anne et de moi-même : « incontenttables, pires que les autres, etc... » Et ta lettre y ajoute ceci en ce qui me concerne que je tiens pour offensant : « intransigeant quand il s’agit des autres, aveugle et ultra-exigeant quand il s’agit de Marie-Anne ». Tu sais fort bien que c’est faux et que je n’ai souhaité pour ces livres qu’une étude attentive et non pas les éloges. Etait-ce trop attendre d’un ami et d’une revue où on écrit depuis plus de dix ans ?
*
– Pour ce qui est de mes observations de l’autre jour, elles étaient simplement celles que j’aurais formulées au Comité de Direction si j’y avais assisté le 17 janvier. Tu t’abrites constamment derrière le Comité, tu lui fais partager tes responsabilités aux yeux des étrangers. En réalité le Comité n’exerce aucun contrôle affectif, et les directives qu’il donne ne sont pas suivies. Alors à quoi bon ?
Laissons DevalMarie Galante, 1931, est recensé par Denis Marion dans La Nouvelle Revue Française de janvier 1932, p. 159.Le Désordre chez Plon en 1930. R. Fernandez en a rendu compte dans La Nouvelle Revue Française de décembre 1930, pp. 891-894.Désordre.
Pour Poulaille, la chose peut se discuter et je n’accuse pas Marc BernardLe Pain Quotidien, par Henry Poulaille », La Nouvelle Revue Française, février 1932, pp. 302-303.
Laisse-moi sourire quand je t’entends dire qu’on fait à la N.R.F. « confiance aux collaborateurs ». En réalité quand tu veuxRôdeur d’HerbartLe Rôdeur, par Pierre Herbart », La Nouvelle Revue Française, novembre 1931, pp. 808-810. P. Herbart (1903-1974) épouse en 1931 Élisabeth van Rysselberghe (dont Gide a eu une fille, Catherine, en 1923), fille de ses amis, le peintre Théo van Rysselberghe et Maria (la « petite dame »).La Nouvelle Revue Française, juillet 1930, pp. 112-115.Bourgeois et l’AmourLa Nouvelle Revue Française, décembre 1931, pp. 944-947.RegainRegain, par Jean Giono », décembre 1930, pp. 889-891.Grand troupeauLe Grand Troupeau, par Jean Giono », La Nouvelle Revue Française, décembre 1931, pp. 952-954.La Nouvelle Revue Française, novembre 1931, pp. 804-805.os selon toi si purs…
Mais trouver quelqu’un pour faire une note équittable, disons même sympathique, sur Violette Marinier, ça, c’était impossible. Si je souhaitais une note d’Arland ou de Fernandez, c’était parce que [je] ne voulais pas de note de complaisance et que je souhaitais voir établir la part du bien et du moins bien. Mais les notes d’enthousiasme sur R.C. ou V.M., si tu m’avais, au lieu de te taire, consulté, j’aurais pu t’indiquer bien des gens qui auraient été heureux d’en écrire et qui les ont écrites ailleurs, spontanément. Car enfin ces deux livres, que tu as l’air de traiter comme des parias qui dégoûtent tout le monde, ont eu des admirateurs et de qualité. Rose Colonna était un manuscrit anonyme quand le jury de la Revue hebdomadaire a voulu le couronnerLa Revue hebdomadaire publie l’œuvre en feuilleton au printemps 1930. Voir Gallica (Bibliothèque nationale de France). Voir aussi la rubrique « Les Lettres » dans L’Intransigeant du 7 juin 1930, p. 2. Le livre est largement signalé dans la presse.
Quant au fait de refuser une note, je ne croyais pas qu’il n’eût eu lieu qu’à l’occasion de R.C. ou de V.M. Je t’en vois refuser constamment au profit d’autres meilleures ou autrement orientées.
Je m’arrête. Je crois t’en avoir dit assez pour mettre au clair les choses et dissiper les nuages accumulés par trop de silence. Il n’y a peut-être eu de ta part qu’une faute : c’est d’avoir méjugé Marie-Anne et de m’avoir méjugé, et d’avoir agi envers nous comme envers un quelconque PourtalèsJournal de la Guerre 1914-1919.
Bien affectueusement,
P.S. – Comment dois-je interpréter ceci qui me revient ? Germaine me montre en épreuves une note d’Arland avec une phrase très gentille sur R.C. Le n° paraît, la phrase a sauté. Je ne puis croire que c’est toi qui l’as fait supprimer. Mais si c’est Arland, l’amitié ne commandait-elle de le prier de la maintenir ?
l’injustice, c’est de n’avoir publié de note ni sur Rose Colonna, ni sur Violette Marinier. Injustice et, ce qui est pire à mes yeux, lèse-amitié. Moi, à ta place, plutôt que ce silence, j’aurais écrit une note moi-même. Mais le comble, c’est maintenant de vouloir me prouver (et te prouver) que j’en suis responsable : j’attendais, – patiemment, tu le reconnaîtras –, une lettre ou une conversation qui [mot illisible barré] me paraissait ne pouvoir être que d’excuses, ou de regrets et d’explication. Et je reçois un réquisitoire. Après des mois d’un surprenant mutisme, alors qu’il eût été si simple de me dire les choses de me tenir au courant au fur et à mesure, voilà ce que tu trouves à m’écrire ! Et par dessus le marché, tu éprouves le besoin de mêler ce qui concerne R.C. et V.M. à des remarques que je t’ai faites sur des notes, [plusieurs mots illisibles barrés] comme c’est mon devoir rôle de membre du comité de direction.
Tu as manqué de simplicité et de franchise avec moi, tu as manqué d’amitié envers Marie-Anne et de justice envers ses livres. Voilà le vrai. A présent tu voudrais me faire croire, [petit mot illisible] te faire croire que j’ai exigé pour R.C. et V.M. des dithyrambes sans réserves. Tu sais fort bien que c’est faux. Tu as refusé la note de Rival sur R.C. T'en ai-je
Pour V.M., tu n’as rien demandé d’urgence puisque la note de Pourrat aurait paru trois mois après le livre. La note de Pourrat a été refusée d’un commun accord par nous deux, non pas à cause des réserves qu’elle contenait, mais parce qu’elle avait l’air d’une note de complaisance, ce qui est exactement le contraire de ce que tu insinues. [Mot illisible barré] Il a été convenu de demander une note à Fernandez et que tu la publies sans me la montrer. Tu as commis une petite trahison en faisant savoir à Fernandez qu’il y avait eu une note de Pourrat refusée et en lui laissant croire que c’était à cause des réserves qu’elle contenait. Fernandez pourrait était et reste encore libre de faire toutes les réserves qu’il voulait veut… [Plusieurs mots illisibles barrés]
Le résultat de tout cela, c’est que, non seulement tu n’as pas signalé aux lecteurs de la N.R.F., les livres de Marie-Anne, mais encore que tu m’as tout l’air de vouloir créer une légende autour de Marie-Anne et de moi-même : « incontesttables, pires que les autres, etc... » Et ta lettre y ajoute ceci en ce qui me concerne, qui [sic] : « intransigeant quand il s’agit des autres, aveugle et ultra-exigeant quand il s’agit de Marie-Année ». Tu sais fort bien que c’est faux et que je ne souhaite pour ces livres qu’une étude attentive et non pas les éloges. Est Etait-ce trop [mot illisible] attendre d’un ami et d’une revue où on écrit depuis plus de dix ans ?
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– Pour ce qui est de mes observations de l’autre jour, elles étaient simplement celles que j’aurais formulées au Comité de Direction si j’y avais assisté. Tu t’abrites constamment derrière le Comité, tu lui fais partager tes responsabilités aux yeux des étrangers. En réalité
Pour Poulaille, la chose peut se discuter, mais et je n’accuse pas Marc Bernard de le prôner. Je t’accuse d’avoir choisi Marc Bernard pour parler de lui (ou d’avoir accepté qu’il en parlât). Devant le populisme, la N.R.F. doit avoir une doctrine et c’est un des rédacteurs habituels qui doit traiter la question ou un collaborateur avec dont les idées concordent avec celles du Comité. Il y a des livres sur lesquels on peut accepter indifféremment une note dans un sens ou dans un autre à condition que la note soit bonne. Mais il en est d’autres (tous ceux qui se rattachent à un courant discuté ou qui sont d’une personnalité forte tranchée) à propos desquels le Comité doit décider si on en dira du bien ou du mal et à propos desquels la revue doit avoir une ligne cohérente. A toi de choisir ensuite l’exécutant.
Si ce n’était toi qui m’écrivais, je dirais qu’il y a quelque tartuferie à soutenir [mots illisibles barrés] qu’on fait à la N.R.F. « confiance aux collaborateurs ». En réalité, quand tu veux avoir (ce n’était pas le cas pour Poulaille) une note élogieuse sur quelqu’un, tu sais fort bien t’y prendre. Tu as très bien su dénicher M. Pierre de Massot pour faire l’apologie de Rôdeur d’Herbart : c’était pour faire plaisir à Gide. Tu as très bien su pour faire oublier à Berl ma note aller chercher Drieu pour écrire sur le Bourgeois et l’Amour. Tu as Regain aller chercher M. Maurice Fombeure pour parler de Grand troupeau qui est un livre bancroche et que tous les admirateurs de Giono, y compris Marcel [Arland], ont laissé tomber. Tu as très bien su faire louer Cassou par Denis de Rougemont et Chenevière par Henri PourratLes Aveux complets, par Jacques Chenevière », La Nouvelle Revue Française, novembre 1931, pp. 807-808.La Nouvelle Revue Française, novembre 1931, pp. 810-811. F. Gidon (1874-1944) est professeur de médecine et traducteur des Contes de Grimm. Sur B. Groethuysen (1880-1946), important philosophe français d’origine allemande, voir Bernard Groethuysen & Alix Guillain, Lettres 1923-1949 à Jean Paulhan & Germaine Paulhan, prés. B. Dandois, Éditions Claire Paulhan, 2017.os selon toi si purs. Mais trouver quelqu’un pour faire une note équittable sur Violette Marinier, ça, c’était trop difficile. Si je souhaitais une note d’Arland ou de Fernandez, c’était précisément parce que [je] ne voulais pas de note de complaisance. Mais les notes d’enthousiasme sur R.C. ou V.M., si tu m’avais, au lieu de te taire, consulté, j’aurais pu t’indiquer bien des gens qui auraient été heureux d’en écrire et qui les ont écrites ailleurs.
Quant au fait de refuser une note, je ne croyais pas qu’il n’eût eu lieu qu’à l’occasion de R.C. ou de V.M. Il me semble me rappeler qu’un simple veto d’Ungaretti m’a privé d’une note sur mon PanoramaPanorama de la littérature italienne contemporaine, Le Sagittaire, 1931.
Je m’arrête.