Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Benjamin Crémieux à Jean Paulhan, 1926-09-03 Crémieux, Benjamin (1888-1944) 1926-09-03 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1926-09-03 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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3 sept. [septembre] [1926Plutôt 1927]

Mon cher Jean,

je relis ta lettre. La légèreté avec laquelle on imprime Proust est impardonnable. Je t’assure que j’ai relevé, rien que dans la dernière tranche, une douzaine de fautes de lecture ou de distraction de la dactyloLe Temps retrouvé est publié dans La NRF de janvier à septembre 1927..

Pas encore eu le n° du 1er sept. Tout à l’heure sans doute au courrier de midi.

– Tu me diras (n’est-ce pas ?) pourquoi tu n’es pas de mon avis sur DrieuS’agit-il de la note de B. C. sur Pierre Drieu La Rochelle, La Suite dans les idées, Au Sans Pareil, 1927, dans La NRF, novembre 1927, pp. 671-676 ?. C'est un de ces cas (très différent de ma note sur Eglantine) où il me semble que je ne fais qu’exprimer des vérités éclatantes et absoluesLa note de B. C. sur le livre de Giraudoux est publiée dans La NRF d’août 1927, pp. 249-251..

Est-ce que tu n’as aucune confiance en Drieu ? Ou bien le trouveras-tu bon romancier ? Ou bien encore penseur juste et universel (comme Benda par ex. malgré ses petitesses et ses œillères) ?

– GeigerRaymond Geiger, auteur d’Histoires juives 1924) et de Ténèbre (1925), collaborateur de la Revue Juive. m’a envoyé la coupure de l’A.F. [Action Française] spontanément. J'aime cette lâcheté, cette mauvaise foi : « un jeune Youpinot qui a écrit je ne sais où du nom de... » réfuté par le célèbre Raymond JannePierre Tuc, « Études et milieux littéraires », L'Action française, 23 août 1927, p. 3. B. C. est fréquemment attaqué dans les colonnes du journal.des Cahiers mosans.

– Je m’aperçois que je n’ai pas écrit à Cassou. Mais tu as dû lui dire que c’était entendu.

– Je suis curieux des réactions Gide, etc. sur le comitéLe projet de comité chargé d’orienter La NRF date de 1926 et se concrétise à partir de 1927. Voir Laurence Brisset, La NRF de Paulhan, Gallimard, 2003, p. 53 et passim.. Elles n’ont pas dû être absolument négatives, puisque tu maintiens l’annonce de la prochaine réunion, avec Schlumberger. Je suis content de la présence de Schlumberger, bien que je le connaisse peu. J'ai grande sympathie pour lui.

– Non, pas de SoudayPaul Souday (1869-1929), essayiste et critique littéraire du Temps, auteur entre autres d’une biographie de Marcel Proust. pour l’instant. Plus tard peut-être.

Mais le Temps retrouvé, toujours entenduB. C., « Le Temps retrouvé », La NRF, janvier 1928, pp. 113-118..

– Oui, tu m’avais annoncé en post-scriptum la mort de ChennevièreGeorges Chennevière (1884-1927), pseudonyme de Léon Debille, poète, critique et rédacteur à L’Humanité, collaborateur d’Europe. La NRF vient de publier Pamir (août 1926, pp. 148-169) et les éditions de La NRF publieront en 1929 ses Œuvres poétiques. Les Nouvelles littéraires ont annoncé brièvement sa mort le 27 août 1927, mais reviendront sur lui à plusieurs reprises par la suite. Voir aussi « Le souvenir de Georges Chennevière », La NRF, octobre 1927, p. 560. que Les Nouvelles littéraires ont bien mal « enterré ». S'il y a souscription ou quoi que ce soit pour sa famille, j’en suis bien volontiers. J'imagine qu’il y a (ou y aura) une petite notice sur lui dans la N.R.F.Voir Jules Romains, « Georges Chennevière », La NRF, octobre 1927, pp. 417-423..

– Bien pour Commerce. Je m’y attendais d’ailleurs. J'ai donné aux Annales pour le 15 septembre une réfutation du Stendhal de ValéryB. C. tient la chronique des livres aux Annales politiques et littéraires. « L’année stendhalienne », 15 septembre 1927, pp. 271-272.. Je ne suis pas sûr que tu me donnes raison quant aux questions de « littérature », mais j’espère que tu seras avec moi du point de vue « humain ».

– Je ne sais plus au juste ce que j’ai mis dans ma chron. [chronique] dramatique, mais si cela te paraît pouvoir aller, tant mieux. J'ai écrit le Drieu et la chronique dans une sorte d’accès de rut ; le Drieu entre 2 heures et 5 heures de l’après-midi et la Chronique de 9 heures à 11 heures le même soir.

– J'irai volontiers à Lyon (mais pas ni en octobre ni en novembre) si les conditions matérielles sont accepttables. Mais n’est-ce pas, cette Tribune, une succursale du FaubourgClub du Faubourg. Cercle parisien de discussion politique et sociale très ouvert (1919-1939). Voir Claire Lemercier, Le Club du Faubourg, Tribune libre de Paris, 1918-1939, mémoire IEP de Paris, dir. Nicolas Offenstadt, 1995, http://lemercier.ouvaton.org/document.php?id=126. Allusion au Club du Faubourg in J. Paulhan, Petite préface à toute critique, Minuit, 1951, rééd. Cognac, Le temps qu’il fait, 1988 (« Sartre voit la littérature à l’envers, p. 103)., avec discussion après la conférence ? En tout cas on peut toujours m’écrire à Paris.

– Nous quittons d’ici le 10 et rentrerons directement à Paris. La fin de notre séjour est de nouveau empoisonnée par des difficultés dans la mise en ordre de nos affaires. Je ne suis plus sûr de rapporter tout à fait terminé le manuscrit du PanoramaBenjamin Crémieux, Panorama de la littérature italienne contemporaine, Le Sagittaire, 1928., mais 8 jours de Paris suffiront pour l’achever (je ne rentrerai au ministère que le 16). Je crois que j’ai fait quelque chose d’hybride, mais de très intéressant. C'est dommage que ce soit sur un sujet qui l’est en somme médiocrement. Il me semble que je fais un grand pas vers une méthode critique. Et je t’abandonne bien volontiers mes conférences du Vieux-Colombier[s]. Il faudra pourtant que nous en parlions.

– Ce que je disais d’Alain (trop tard de (cinq ans) correspondait à cette idée générale que je me fais de la N.R.F. qu’elle ne doit pas « consacrer » les célébrités qu’elle n’a pas faites ; comme la Revue des 2 mondes, si elle publiait des vers de Valéry parce qu’académicienne. Un article d’Alain, c’eût été parfait, mais vouloir s’attacher publier chaque mois un atome d’Alain, ça a l’air d’être pour que le nom d’Alain figure sur la couverture. Etc… etc... mais c’est très bien quand même.