Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de René Daumal à Jean Paulhan, 1935-10-20 Daumal, René (1908-1944) 1935-10-20 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1935-10-20 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
20 octobre [1935] Cher ami,

Je feuillette Mesures que je viens de recevoir ; il me semble qu’il y a de bonnes choses dans Ramuz, bien que son esprit soit parfois un peu embrouillé, Max Jacob se néglige un peu trop, mais il arrive quand même à me faire penser qu’il a eu parfois l’illusion d’imiter le reflet d’une ombre d’un faux Omer [Omar] Khayam, en ratant complètement parce qu’il est saoul et non de la bonne ivresse ; Après la mort est juste, paraphrasant un passage de la République. Pelorson a du culot ; malheureusement son poème est beaucoup trop court. Le travail de J. [Jean] Tardieu est respecttable, mais je me refuse à dire : « Fo͡n t-ĭls fré͡ mĭr sŏn fl t... » Je dirais : [long long court-tonique long long long-tonique], p. ex. [par exemple] Le résultat sent assez l’huile. On ne fabrique pas un rythme comme ça. J’apprendrai l’allemand. Suarès est aussi venimeux que Claudel, et puisque c’est pour la bonne cause, j’approuve. Le reste à plus tard. Quant à Bharata, j’ai tellement travaillé sur cette traduction, que je ne sais plus si elle est lisible et compréhensible ; peut-être enfin allez-vous me dire ce que vous en pensez ? (Cela m’aidera pour des traductions futures.)

Serait-ce abusif de vous demander si je puis avoir encore 2 ou 3 exemplaires de ce N° [numéro] ? – Ah ! les voici, merci, quelle rapidité, vive Mesures ! –

Voici une note peut-être pour l’Air du Mois, si vous le jugez bon. Le mouvement d’Oxford fait aussi des ravages en Suisse.

Je vous envoie aussi un prospectus de Mme de Salzmann pour ses cours, bien que ce soit écrit à l’intention spéciale des Genévois.

Je voudrais aussi avoir votre avis sur ceci :

un livre fait d’une douzaine d’articles de moi, plus ou moins anciens, serait-il publiable ? Voici à peu près quel serait le contenu :

I Pataphysique  : La Pataphysique et la Révélation du Rire (1929)

Mélanges pataphysiques (choisis dans les feuilles que je vous ai laissées)

Le point d’ironie (?) (1928)

[rature]

II Philosophie – Le non-dualisme de Spinoza

Les limites du langage philosophique.

III Orientalisme – Le livre des Morts Tibétains

Le Dict de Padma (??)

Uday Shankar

IV Ethnographie – De quelques sculptures de sauvages (1929)

……….

IV Littérature La poésie et la critique

…..

V (…….) La vie des Basiles

Têtes fatiguées (1935)

… Divers.

Avec des notes auto-critiques et une brève historique de la disparition successive de mes premières illusions.

Qu’est-il arrivé à Fr. [Franz] Hellens ? Je reçois de lui une lettre très attristée, me disant que vous avez dû me raconter comment on lui a joué de mauvais tours et pourquoi Écrits du Nord n’existent plus.

Il pleut agréablement et la mort des feuilles est splendide.

Je n’ai guère envie d’écrire en ce moment. J’ai d’abord envie de comprendre et d’apprendre, d’une part ; et de publier, d’autre part, parce que j’aime encore mieux que mes ordures salissent la rue que ma chambre. (Où est-ce que je pourrais placer le conte Catéchisme, que je vous ai lu à Châtenay, et que j’avais envoyé à Écrits du Nord ?) J’ai fini par rassembler une bonne partie des manuscrits authentiques de mes productions lyriques pour la Bibliothèque Doucet, qui n’aura jamais eu et n’aura jamais plus de manuscrits aussi dégueulasses.

Et vous ? trouvez-vous le temps, entre la N.R.F. et le Conseil municipal, de travailler pour vous ?

C’était une bonne idée, que vous m’aviez dite, d’avoir une nouvelle journée de conversation avec ARR, Antortaud et Henrmchaux [André Roland de Renéville, Antonin Artaud et Henri Michaux]. Ce sera peut-être pour la fin de cette année. Partirez-vous pendant les vacances de Noël ? Si oui, je m’arrangerais autant que possible pour ne pas venir pendant votre absence.

À vous et Madame Paulhan, toutes nos amitiés

René Daumal