Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de René Daumal à Jean Paulhan, 1935-03-09 Daumal, René (1908-1944) 1935-03-09 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1935-03-09 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
le 9 mars 1935 Cher ami,

Votre médecin commence à me taper sur l’esculape. J’espère qu’on n’entendra plus parler de lui. Voici, sans ordre précis, sur les différents objets de vos dernières lettres.

1. Le Dr Faustroll, à qui j’ai communiqué votre lettre, me dit : « C’était dans mes plans. Est-ce que vous croyez que j’ai inventé la télégnose pour les piafs ? Pourtant, il faudra que je révise mon appareil, car il m’avait mal renseigné sur les motifs de ma défaveur. Et la Pataphysique n’est pas morte. »

2. Ch. [Charles ] Bally. voici la note sur son livre, qui a été à peu près étouffé en France, et qui est intéressant. Ça me serait très utile que la note passât dans la n° [numéro] d’Avril – J’ai marqué de rouge quelques lignes au pis aller ôttables.

3. Lévy-Bruhl. Très content d’avoir le livre. Voici la note. J’espère que ce n’est pas trop long. Si oui, à la rigueur, le 2me alinéa pourrait tomber. Je tiens assez à la note sur É. [Émile] Senart, qui conclut une conversation que j’ai eue l’an passé avec Lévy-Bruhl.

4. Bibl. [Bibliothèque] Doucet. Merci d’avoir proposé le Contre-Ciel : sans cela, il ne serait jamais paru, et c’est la meilleure forme sous laquelle il puisse paraître. Mais je tiens à y faire encore quelques élagages, que la dimension de la plaquette impose d’ailleurs, et à ajouter une douzaine de lignes liminaires en guise de mode d’emploi (quelque chose comme « USAGE EXTERNE » – tout au plus en gargarismes –). J’espère un jour vous montrer de la poésie ; on y travaille.

5. N.R.F. Intime ou Cardan. Ça m’intéresse outrement. Mais je vous écrirai encore à ce sujet, et je ne veux pas vous faire attendre plus longtemps ces deux notes.

6. Hemingway. Je n’ai pas pu me procurer les n°s [numéros] de Voilà (sauf le dernier, que vous m’avez envoyé) et j’aurais voulu envoyer le tout, avec mon manuscrit, à Hemingway. M. Fl. [Florent] Fels, à qui j’avais demandé de me faire le service des n°s où paraîtraient ma traduction, ne l’a jamais fait. Savez-vous quand doit paraître le livre ? Il est possible que Vera puisse se mettre ce printemps en relation plus directe qu’écrite avec Hemingway, et ce sera peut-être mieux d’attendre ce moment. J’ai des rancunes à très longue portée, et M. Fels en pâtira un jour.

7. Cassou. Je veux bien essayer. Je condescendrais même à employer des euphémismes tels que « ne comprend rien » pour « crétin irréductible », « brumeux » pour « vaselinegadouilleux », « hésitant » pour « breguedouille-bredoncheux » et ainsi de suite, dans la mesure du possible. Si je signale qu’ « il est tombé juste, cette fois-ci » je pourrai peut-être m’abstenir d’ajouter que cela lui a fait très mal. C’est tout ce que je puis promettre, mais non jurer.

8. Bharata (le Théâtre). D’après mes recherches, il n’y a décidément pas de traduction de ce 1er chapitre (sauf une 20aine de stances dans S. [Sylvain] Lévi) ni en français ni en anglais, et je ne crois pas non plus en allemand. Il y a encore quelques corrections de détail à faire, et à récrire le tout. J’ai promis à ARR [André Rolland de Renéville] que vous le lui montreriez. Je crois que ça intéressera aussi Artaud.

9. Bacillus. Mais n’ai-je pas répondu à toutes ces questions dans la lettre que vous avez montrée à M. Church ? Les notes que je vous ai envoyées alors étaient selon ce principe : en l’absence d’une indication expresse de l’auteur, changer le moins possible, en serrant au plus près ses intentions ; car vous m’aviez dit alors qu’il ne voulait plus s’occuper de ce conte pour le moment. Si maintenant il veut le reprendre, qu’il me dise plus précisément quelles so étaient ses intentions et pourquoi le texte actuel ne le satisfait pas ; autrement, je travaille dans le vide, et je risque de faire un conte qui soit de moi, alors que je dois faire un conte qui soit de M. Church (genre d’exercice qui m’est d’ailleurs très utile en ce moment et que j’aimerais faire). En règle générale, s’il est entendu que l’on pense avant de faire une œuvre, il doit être possible de formuler cette pensée initiale en quelques mots, pour les besoins exclusifs de la cuisine : c’est cette formule, germe ou « argument », que je voudrais avoir pour aller plus loin.

Serait-ce tout ? si j’en oublie, ce sera pour la prochaine.

Vers fin avril, nous viendrons tous deux vous dire bonjour et vous raconter des choses bien intéressantes. En attendant nous vous serrons les mains à tous deux

René Daumal