Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de René Daumal à Jean Paulhan, 1934 Daumal, René (1908-1944) 1934 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1934 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
[1934] Cher ami,

Je ne voulais pas vous écrire sans vous envoyer en même temps les Basiles. Et ça m’a pris plus longtemps que je ne croyais : j’ai dû d’abord fabriquer un autre texte pour Présence (ça s’appelle Têtes fatiguées, et ce n’est pas mal non plus) ; puis la fin de celui-ci clochait et était inutilement longue : Basile lui-même l’a brutalement abrégée, (le salaud!) comme vous pouvez lire dans les 5 dernières lignes) ; par contre j’ai ajouté quelques précisions zoologiques, et Basile, qui a horreur de l’exotisme, a censuré le mot : « Inde » (ne le répétez pas, il ne veut pas trop qu’on sache d’où vient la citation pp. 6 et 7 ; ou alors, lui demander un rendez-vous) ; enfin il a tenu à ajouter ridiculiser un peu les mots : « heureux peuple… tibétain » Je m’incline.

L. [Léon] Pierre-Quint m’écrit pour me demander [rature] si vous aviez pensé que l’étude de Mlle Mariani sur M. [Marcel] Proust, dont je vous ai remis quelques chapitres il y a environ un an, serait publiable. Et il aimerait beaucoup (pour être libre envers l’auteur) avoir un mot écrit de vous là-dessus. Voudriez-vous en tout cas lui renvoyer le manuscrit ? (1, Avenue Rodin, XVIe ). Merci.

Ici, on continue. Je ne peux pas vous tenir mieux au courant de ce que je fais qu’avec les Basiles. Pourtant, la situation matérielle est plutôt catastrophique. Si vous pouviez me faire obtenir une avance dès que possible sur les Basiles, ça pourrait au moins reculer sérieusement la catastrophe. Et j’ai oublié de vous demander le même service que lorsque je suis parti pour l’Amérique : une lettre de vous (vous trouverez bien la forme à adopter) qui laisse entendre que je reçois de l’argent de la N.R.F.  ; (si vous m’y demandez aussi des comptes-rendus de spectacles, conférences, expositions, cela me servira aussi à assister à ces spectacles, etc.) C’est utile car quelqu’un qui vit vient en Suisse, y cherche du travail et y fait des dettes risque fort de se faire expulser. Merci.

(Si vous voyez Michaux, dites-lui qu’il m’assomme avec ses lettres : j’ai autre chose à faire que de déchiffrer ses tartines de pattes de mouches bi-hebdomadaires).

Je travaille au Bacillus. J’en ferai quelque chose de très bien. Si vous en parlez, par occasion, à M. Church, dites-lui que je trouve que ça fourmille d’idées et de notations intéressantes, et que c’est seulement une question de « ficelles » de les mettre en valeur et en ordre.

Saluez Fargue de ma part. C’était bien rafraîchissant de le rencontrer de temps en temps.

Mais j’ai un rendez-vous avec un Suisse amorphe, sérieux et débrouillard. À plus tard la suite. Mes amitiés, et celles de Vera, à vous et à Madame Paulhan.

René Daumal