J’ai été bien heureux de vous revoir. J’étais un peu tracassé par toutes ces histoires d’Opéra , me demandant – « scrupuleux » comme vous me savez – si je n’avais pas tort de m’y dérober à un engagement total . En fin de compte, je ne crois pas. Pour un enjeu matériel et moral relativement maigre, c’était risquer beaucoup – matériellement et moralement aussi. Il m’a paru que vous partagiez ce point de vue. Cela m’a été bon.
Delange m’a téléphoné. Je pense que nous verrons Orengo ensemble, jeudi.
(Il me revient de divers côtés que l’expérience Opéra est hasardeuse, et pourrait rapidement se heurter à des difficultés réelles.)
Si vous dites à F. [Francis] Ponge d’envoyer quelque chose (on le souhaite), dites-lui de me l’envoyer à moi , c’est plus sûr. (Vous savez qu’il est devenu inutile d’indiquer, aux gens à qui vous pouvez dire de m’écrire, que mon nom est G. [Gérard] Delsenne : celui de Claude Elsen est devenu au moins aussi familier à mes hôteliers…)
Oui, ma femme écrit,- avec un certain désabusement. Elle me dit sentir que cette trop longue séparation a creusé entre nous des fossés bien difficiles à combler. Et les circonstances
Je ne sais pas trop moi-même que penser, ni que dire. Claude Elsen est devenu un personnage bien réel, à la vie, aux pensées, aux sentiments de qui je me suis laissé prendre, n’étant plus aussi sûr que tout en soit provisoire… Le passé est bien loin. L’avenir, je n’y pense et n’y crois guère. Le présent est déjà bien assez confus.
Peut-être manqué-je, oui, de cette « inflexibilité » que vous disiez, et que j’ai sans doute plus grande vis-à-vis de moi-même que des autres : j’ai toujours répugné à décevoir les sentiments qu’on me porte… C’est bien gênant. Mais assez parlé de moi.
Purnal m’inquiète un peu. J’ai peur qu’il ne sache pas se plier aux contraintes, accepter les attentes, les tentatives vaines, à quoi l’on est bien forcé dans son cas – qui fut le mien. Il me semble qu’il pourrait, qu’il devrait essayer bien plus de choses qu’il ne fait, même s’il n’est pas assuré du résultat.
Il y a des moments où il faut bien accepter d’être correcteur d’imprimerie, ou de collaborer à des « V-Magazine ».
Mon ami Van Erck, que vous connaissez, est
Je serais bien curieux de lire ce que vous préparez sur Malraux. Ne puis-je en parler à Opéra , ou d’un texte sur Braque ?
À la radio, conclusion aux Entretiens avec Léautaud : une très belle intervention de Jouhandeau, dont j’ai aimé l’emportement contre « le siècle ».
Dernière heure : R. [Robert] Lutigneaux me demande de faire à la radio, à partir du 22 mai, 4 conférences sur : « La morale chez quelques écrivains d’aujourd’hui », à propos, notamment, de Sartre, Camus, Malraux & J. Paulhan. Voilà qui me plaît. (D’ailleurs l’idée était de moi, bien sûr…) J’espère que vous m’autorisez à parler de J. Paulhan « moraliste » ?