Comme prévu, G.G. [Gaston Gallimard] (ou plutôt Claude G. [Gallimard?], qui a dicté la lettre) refuse de me laisser publier ailleurs une nouvelle édition de l’Homo eroticus . Je vais donc me mettre à un autre ouvrage sur le(s) même(s) thème(s). Ce n’est peut-être pas plus mal : je me rends compte, en relisant ce livre, 1°) de ce qui lui manque, 2°) de ce qui l’encombre.
Cela fait nous verrons comment, avec votre complicité, le faire refuser par G.G. [Gaston Gallimard].
Vous avez manqué les plus beaux jours de l’année, à Janville : les trois premières semaines de septembre. À présent, nous entrons dans l’automne maussade. J’y entre, pour ma part, sans ennui, tout à fait « assimilé » à mon nouveau pays, dont je bouge à peine. J’y travaille mieux et plus qu’à Paris. Comme disait le comte Molé (je crois) [Royer-Collard] à Vigny : « Je ne lis plus, je relis. » Il me semble que, depuis cinq ou dix ans, on publie de moins en moins de livres dignes d’attention. Me fais-je des idées ? Il me semble aussi que la littérature tend à devenir une manière d’archéologie, que nous assisterons à sa mort (en tant que « langue vivante »).
Je crois que je n’aimerais pas naître en 1958…
La Table Ronde va (une fois de plus) changer de direction. Nouveau rédacteur en chef : J.M. Créach (?). Elle deviendrait une revue d’esprit « journalistique » (??)
J’ai été bien content de ne pas avoir à voter. Je n’aurais pu dire ni « oui » (avec les gaullistes et les « dupés » de mai) ni « non » (avec les communistes et la gauche rêveuse).
Tout de même, ces 80 %, c’est beaucoup. Il me semble que 55 ou 60 % auraient suffi.
Au reste, je n’arriverai jamais, je crois, à voir dans le suffrage universel autre chose qu’une énorme imposture.
On ne se refait pas.
J’espère que vous avez reçu mes Deux Don Juan . Le Livre-Club du Libraire serait très flatté si la nrf [Nouvelle Revue Française ] pouvait leur consacrer deux lignes.