Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Claude Elsen à Jean Paulhan, 1956-02-18 Elsen, Claude (1913-1975) 1956-02-18 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1956-02-18 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
18/2 [1956]

[horizontalement, en rouge] à taper à 3 ex. [exemplaires] à partir de [flèche indiquant la description de l’ « essai-préface »]

Mon cher Jean,

Heureux de vous savoir bien allant… R. [Robert] Poulet m’avait dit que vous étiez grippé. Cela m’inquiétait.

Je vous enverrai un papier sur Simenon, à propos du dernier paru, Les complices , qui est très curieux.

Cette traduction Mailer représente un gros travail, qui va, pendant un mois ou deux, me laisser peu de loisirs. Je ne m’en plains pas, bien sûr, Mais j’ai peur que cela ne me laisse guère celui (de loisir) de penser beaucoup à l’érotique dont je vous parlais. Et dont je m’aperçois qu’il m’est assez malaisé de vous parler : ces choses se « résument » mal.Grosso-modo je voyais [mot corrigé en rouge] verrais cela ainsi : une espèce de très court essai-préface posant la question : « Peut-on (et comment) concevoir entre deux êtres des liens, un rapport purement érotiques – je ne dis même pas sensuels – en dehors de tout attachement affectif et sans qu’il soit question d’ « amour » ? ». Là-dessus, à titre d’illustration, le récit de deux soirées passées par des « partenaires » de ce genre, ne s’ « aimant » pas au sens habituel du terme, mais cherchant ensemble à connaître le maximum de plaisir, je veux dire d’ « intensité » érotiques. Le premier de ces duos serait relaté par la femme, à la première personne. Le second serait plus exactement un trio, mes deux complices (c’est lui , cette fois, qui parlerait, à la fois acteur et spectateur) s’étant adjoint une tierce partenaire. Ou le contraire (je veux dire : le premier récit fait par lui , le second par elle ).S’agissant de montrer – ce que je crois, ce que je sais qu’une telle « complicité » érotique est possible et réalisable sans que s’y mêlent aucune espèce d’ « amour », aucune passion (jalousie, etc.), rien d’autre qu’une connivence des corps et de l’imagination, et même si l’un ou l’autre des partenaires, ou les deux, aime(nt) ailleurs d’un amour réel. Cette dissociation[horizontalement, en bas de la deuxième page] non pas fatale, ni nécessaire, mais possible . des sentiments et de l’érotisme m’a toujours semblé être un thème mal exploité – non seulement en littéraire, bien entendu, mais dans la réalité . Je m’en veux de l’avoir insuffisamment traité dans Homo eroticus (il est vrai – d’un point de vue tout subjectif – que je venais de découvrir ce que j’ai appelé « l’autre amour »…)Bien sûr, présenté de cette manière, ça a l’air un peu bien « théorique ». Ce pourquoi je voudrais l’illustrer sur le plan narratif, en montrant dans quel « climat », de quelle(s) façon(s) cet exercice de l’érotisme à l’état pur est possible – et attachant. Bien sûr aussi, cela se prêterait très mal à une publication « officielle », vu la précision du récit…Épigraphe possible : « Il posa sur moi le regard froid du vrai libertin » (Sade).N.B. - Moucky n’ignore pas ce projet et n’en prend nul ombrage…

Bien affectueusement à vousClaude