Le 25 [1950]
Cher Jean
Quel naufrage qu’un séjour solitaire à la campagne. À la dérive de toutes les détentes nerveuses, les fatigues remontent les premières à la surface du corps alors que l’esprit vérifie en profondeur les projets en cours, les livres à ne pas écrire sans quelque vertige, la vie tumultueuse répétée chaque hiver qui suspend l’oisiveté, les passions à voir, mes vrais plaisirs.
Toutefois, j’aime le métier que j’exerce scrupuleusement, mais, dépensé-je trop d’argent ? Les conditions imposées sont mauvaises. Je n’achète ni objet ni dessin ; les livres demandés me sont donnéspar les éditeurs.
Dans tout cela, il n’y a ni aigreur ni attendrissement. Je n’attends rien d’une existence luxueuse, ornée de caprices alors que je l’avoue bien des choses superflues me paraissent capitales. Je dis simplement qu’il y a sottise et j’enrage à l’idée qu’une menace d’interruption, de liquidation, hypothèque un effort collectif dont le crédit pourrait nous être offert à vie.
Me croyez-vous ?
Fidèlement.
Georges.