Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Roger Martin du Gard à Jean Paulhan, 1930-11-25 Martin du Gard, Roger (1881-1958) 1930-11-25 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1930-11-25 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français

BELLÊME

TEL.28 ORNE

25 nov. 30 Cher ami,

Je suis bien confus de la peine que vous prenez pour me convaincre. Hé, bien sûr, - le principe de la notule étant admis – celles que vous me communiquez sont parfaites. Mais je persiste à croire que le principe est une constante occasion de malentendus, de vexations, et, tout compte fait, une assez importante erreur. (Sans quoi je n’aurais pas l’impudeur de vous opposer tant d’entêtement....) Dire que tout ça n’est qu’une question de typographie et que, si vous adoptiez pour notes et notules un même caractère typographique, d’un oeil plus petit que celui des notes et plus gros que celui des notules, sans faire de distinction désobligeante entre ces deux formes de critique, en confondant dans la même portion critique les longues et les courtes « notes », - vous auriez paré à tout, et éviteriez tant de froissements inutiles ! (Je ne parle naturellement que des froissements involontaires.) Et des froissements inutiles, j’en connais déjà un grand nombre...

Puisque nous causons, jetez donc un oeil sur un article de Dalsème, dans Notre Temps (du 26 octobre) sur la traduction de Sarn par Lacretelle. Il y a là une amorce d’une discussion passionnante sur cette question si confuse de la traduction. Ce problème m’intéresse de longue date. Je ne sais aucune langue qui me permette de lire un auteur dans son texte. Or je remarque que toute la question est là. Ceux qui savent l’anglais et peuvent lire Sarn dans le texte, seront tous avec Dalsème ; ce qu’ils demandent à une traduction, c’est de leur donner ce plaisir de dépaysement qu’ils ont la paresse de se procurer tout seuls en lisant le livre en anglais – Ceux qui ne savent pas l’anglais, ont, devant une traduction très littérale et considérée comme « savoureuse » par les précédents, l’impression d’un désagréable et inutile charabia ; et ils seront tous avec Lacretelle. Comme moi-même. J'en suis arrivé à cette certitude que, pour faire une bonne traduction (selon mon goût) il faut obligatoirement être deux : l’un qui sache la langue étrangère et fabrique un charabia littéralement correct ; l’autre qui sache manier notre langue et qui donne un forme très française et heureuse au charabia de son collaborateur. Car j’incline à croire qu’une traduction s’adresse à ceux qui ne savent pas la langue étrangère, avant de s’adresser à ceux qui pourraient lire l’original... Une discussion sur ce sujet dans la N.R.F. déclencherait immédiatement une intervention de Gide, qui a, sur ce sujet, des richesses de méditation non encore explorées...

Merci pour Wolfenstein. J'attends donc qu’il ait choisi. Je vous aime bien,

R.M.G.