Vous déciderez-vous pas à venir cette année à Pontigny, avec Gide, Mme [Ures?], Jean, etc... pour parler de l’enfant, ou primitif et de l’anormal à la décade n°1, (9 août) ??
BELLÊME
TEL. 28 ORNE
Je vous écris de mon lit, condamné à l’horizontale par l’Ange Vigilant des Ténèbres... J'ai dans la patte gauche un caillot de goûts nomades et qui ne demande qu’à venir, plus tôt que je ne voulais, mettre fin aux Thibault – (Si j’étais superstitieux n’y aurait-il pas de quoi s’alarmer ? Je viens de m’apercevoir que j’avais oublié (?), justement, à mon dernier volume, le « à suivre » traditionnel !)
Mais je voulais seulement vous remercier du « Guerrier appliqué ». génie... biscornu, qui tire à lui toutes choses ordinaires par des pans que nous ne leur connaissions pas... Votre guerre, elle ressemble évidemment à la guerre, et d’une façon aigüe. Mais exactement comme la vignette de la couverture, avec son poilu filiforme et unique dans un chaos subtilement choisi, peut ressembler à ce que nous avons tous si souvent vu : un soldat dans une tranchée de village... Ce n’est pas un prodige de transposition, mais de choix. Vous entassez silencieusement en marge de votre vie publique, avec une sureté de malin, ces petits chefs d’oeuvre incorruptibles qui seront là, quand tant d’oeuvres d’apparence plus charnue seront liquéfiées... Vous jouez sur le bon tableau. Mais combien le pourraient ?
Mes plus sympathiques hommages, je vous prie, pour Madame Paulhan, et toute mon amitié fidèle
Vous pensez si je regrette amèrement de vous avoir signalé le livre de M. Gautier : Crise - ! Je ne demandais pas l’aumône. Quel est ce J.G. ? Je suis honteux pour la NRF de cette muflerie gratuite- Mais croyez bien que je ne vous en rends nullement responsable, vous, Paulhan.
Cependant, puisque l’occasion s’offre, puis-je dire que, si le corps de la revue se maintient très riche, la partie notes, Critique de livre et surtout de romans (spécialement depuis cette innovation dangereuse de notules bâclées) s’affaiblit, me semble-t-il, de numéro en numéro – Et c’est fâcheux. La NRF renoncerait là, selon moi, à l’une de ses plus importantes missions et à l’une de ses plus estimables traditions ! Je ne crois pas être seul à l’avoir remarqué.