Voilà, cher ami, votre premier « Carnet du spectateur » (Notez, en passant que j’ai été de 1909 à 1914, non seulement un abonné du « Spectateur », de Martin-Guelliot – qu’est-il donc devenu ? - mais un fidèle et patient lecteur. Je suis donc enchanté de voir un germe inattendu sortir de cette bizarre, (attachante quoique décevante) petite revue blanche, que l’on n’ouvrait jamais sans surprise – comme un message lunaire- , et qu’on gardait sur ses genoux, en rêvant entre chaque article...-
Comme on se sent aisément
J'aime surtout votre premier article. (Car il y en a deux, malgré qu’ils se tiennent par de subtils liens.) Mais cela ne veut pas dire que je n’aie pas aimé le second. Le sujet en est passionnant ; et on se laisse emmener par vous avec une sécurité totale. C'est vous que Gide aurait dû convier à le suivre en Afrique ! Vous lui aviez souvent ouvert les yeux. Votre sagacité de jugement est d’une qualité si rare ! Oui, il semble que vous soyez l’être le mieux fait pour parler de 'illusion : vous en parlez du dehors, en spectateur. Nous autres, sur ce sujet-là, on est toujours juge et partie!
Ce qui m’a plu dans votre premier article c’est l’enchevêtrement si savoureux des citations et du dialogue. Un dosage vraiment nouveau. (Je me suis même dit, par moments, que ce serait encore plus épatant si, outre tous les plaisirs que procure déjà votre texte, il s’y ajoutait celui de vous voir mieux différenciés les deux interlocuteurs. Est-ce le romancier qui parle ? On a parfois trop l’impression du dialogue-procédé littéraire : on devine parfois que c’est simplement pour alléger la présentation de l’idée que vous nous la servez en deux tronçons, sur deux plats différents (même reproche s’adressant jadis à Gourmont ))
Mais ce n’est pas ce qui importe. Votre pénétration d’analyse est inégalable. Vous déployez un zèle...proustien à dépister le
On a bien, quelquefois (comme on avait avec M. Guelliot si souvent), l’impression que vous pourriez exercer votre acuité de vision sur des sujets d’un autre ordre, un peu moins particuliers, circonscrits, un peu plus foisonnants. Mais si l’on accepte votre choix – et comment ne pas l’accepter – il n’y a qu’à reconnaître que vous allez, dans le sens choisi, aussi avant semble-t-il, qu’on puisse peut aller.
(Dites-donc, Psammeticus... Si Montaigne, au lieu d’écrire « un de ses domestiques » avait écrit « un de ses familiers » ? … Ne pensez-vous pas que le bon roi Henri III eut pu, en pareille occasion, agir exactement comme son confrère d’Egypte ?)
J'aime beaucoup la masse liquide et la masse gazeuze. Comment n’y avait-on pas pensé encore ,
Par exemple, je n’ai pas accepté : « Les moments les plus nobles » - D'après quel code ?
Mais je vous écris à bâtons rompus. C'est que je n’avais rien à vous dire. Ce genre d’analyse me ravit... et me dépasse. Mais je vous suivrai avec joie jusqu’au bout du monde, ou du moins jusqu’au bout de vos investigations imprévues !