Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Pierre Minet à Jean Paulhan, 1933-09-10 Minet, Pierre (1909-1975) 1933-09-10 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1933-09-10 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Hôpital Maritime

salle A

Berck-plage (P. de C.)

Lundi 9/10.33

Oui, je suis à Berck, mon cher Paulhan. Et toujours plâtré et couché. Vous savez qu’en juin je fus réopéré. Ma santé va, cette opération semble avoir porté ses fruits, mais je ne remarcherai pas avant décembre.

Après tout, ces deux ans de maladie et d’hôpital m’ont donné beaucoup, m’ont grandi je crois, et de les avoir vécu immobile ne m’a pas empêché de connaître des émotions très actives. À présent même je leur suis redevable d’une expérience qui m’émerveille et que certainement ils ont directement provoquée. Il s’agit naturellement d’un amour, du nouvel essor d’un amour qui dure depuis sept ans. Enfin ils m’ont fait travailler.

Bientôt, mon cher Paulhan, vous recevrez des textes de Blecher. Des poèmes et quelques pages de prose. Blecher qui est très malade vit actuellement dans un sanatorium des bords de la mer Noire. J'aime ce qu’il écrit, j’admire sa « force morale », c’est vraiment un homme en qui j’ai grande confiance. Ces textes ne vous satisferont peut-être pas, mais ils vous intéresseront assez pour que vous encouragiez Blecher et ne le perdiez pas de vue.

Bientôt également je vous enverrai le « petit carnet d’hôpital ». Exactement : une partie de ce carnet, sous ce titre : « fragment d’un carnet berckois ». En effet, à la suite d’évènements cocasses qu’un jour je vous conterai j'ai dû ôter de mon texte tout ce qui a trait à l’hôpital, à la vie des hospitalisés, etc... [mots barrés] Vous recevrez donc quelques pages seulement [mots barrés] … Je ne pense pas du tout que vous les publiiez ; aussi je vous demande de bien vouloir me les renvoyer une fois lues, car elles forment le seul exemplaire dactylographié que je possède – à moins que par extraordinaire vous n’en comptiez faire quelque chose...

J'aime beaucoup le « Tableau de la poésie » … La plupart des poèmes sont d’ailleurs remarquables … Je trouve cela extrêmement original.

Cingria à la N.R.F. Que c’est bien ! Sa dernière note est tellement étoffée … N'avez-vous pas l’intention de publier dans la revue ses « Pendeloques alpestres » ? Oui, je connais très bien Cingria. Je l’imagine très bien dans votre bureau, discourant merveilleusement, avec ses gestes, la manière qu’il a d’assommer ses mots, parfois, ses brusques élans, sa tyrannie … Tout un spectacle très beau.

Pourrez-vous m’envoyer quelques livres ? Si oui, joignez-y « Les sorciers du canton » de Pourrat... La surveillante du service où est ma chambre a très peur du diable, elle s’intéresse à la magie et si je lui offre ce livre elle sera sûrement très heureuse.

Je travaille beaucoup, du matin au soir : un nouveau livre (le sixième depuis 3 ans), mais que, celui-ci, je n’abandonnerai pas. Ça marche tout à fait. Un récit, très imaginé, très vivant, me semble-t-il … Ce que j’ai fait de mieux jusqu’à présent, peut-être … Il pourra vous plaire …

Voilà, mon cher Paulhan … Ecrivez-moi bientôt, voulez-vous ?

Je vous envoie toute mon amitié et suis le votre

Pierre Minet

P.S. Faites mes amitiés à madame Pascal.