Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre d'Adrienne Monnier à Jean Paulhan, 1928-08-21 Monnier, Adrienne (1892-1955) 1928-08-21 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1928-08-21 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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21 août 1928 Cher Ami,

Je ne me doutais guère que vous me feriez visite. Je suis triste de vous avoir manqué.

Vous m’avez fait un immense plaisir en me donnant un hors-commerce de votre Étude. Je venais justement de la lire et j’avais envie de vous écrire. Vos réflexions m’ont enchantée et m’ont parue vraies en tout point. Qu'il y a à dire sur la Pensée critique et ses défauts. Les pages que vous venez de publier sont comme l’apéritif Fernet-Branca ; elles sont très amères et donnent une faim à tout dévorer. Quand aurons-nous « Les Fleurs de Tarbes » en entier ?

D'ailleurs, ce n° de Commerce m’a beaucoup plus : le Fargue est délicieux, le Larbaud est excellent, le Pouchkine est superbe. Quant à Jean Giono, il faut me dire qui c’est. « Colline » est une « révélation ». Que vous [mot illisible]-vous de Sollier après ça ! - Ce pauvre Sollier, inspiré quelque peu par les figures de la Cathédrale de Strasbourg, - a fait une « Vierge sage » que je vous envoie. Ça va vous sembler bien pâle.

Cher ami, je vous avais déjà expliqué pour Joyce. Vraiment ce qu’il écrit, tout ce qu’il a écrit depuis Ulysse est intraduisible. Le livre auquel il travaille : Work in progress (et il ne travaille à rien en dehors de ça, sous quelque prétexte que ce soit. Si vous saviez à quel point la cécité le menace et combien il se dépêche de faire ce qu’il croit avoir à faire.) Donc, ce Work in progress paraît au fur et à mesure dans « Transition ». Je ne sais pas pourquoi Rodker l’avait intitulé « Protée ». C'est sans doute, parce qu’il avait vu ce titre annoncé dans la N.R.F., et qu’il avait cru que c’était là l’ouvrage qui devait suivre Ulysse. La carte que vous m’avez envoyé est assez curieuse ; la N.R.F est une revue française qui n’est pas tenue de publier des inédits en anglais. Si jamais vous trouvez quelqu’un qui, ayant lu les chapitres qui paraissent dans « Transition », les juge traduisibles, il faut lui dire de se mettre à l’oeuvre, Morel a essayé sans aucun résultat. Larbaud ne s’y est jamais risqué.

Nous aimerions bien aller vous rejoindre à Port-Cros, mais c’est tout à fait impossible. Nous espérons vous voir dès votre retour.

Pour Germaine et pour vous, notre vraie amitié.

Adrienne