Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre d'Adrienne Monnier à Jean Paulhan, 1927-11-16 Monnier, Adrienne (1892-1955) 1927-11-16 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1927-11-16 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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15 novembre 1927 Cher Ami,

Je ne pense du tout que vous ayez eu tort dans l’affaire Breton. Vous avez montré un grand courage, un courage qui, je crois, ne sera pas inutile, mais qui vous expose, peut-être, à des représailles. C'est par affection pour vous que je m’inquiète quelque peu, et c’est dans l’esprit d’une mère qui dit à son fils

ou si vous préférez ; d’une sœur qui dit à son frère.

« ne va pas jouer avec ces sales gamins », que je vous ai dit : « Il est fou, il vaut mieux le laisser tranquille. »

Tout cette histoire Dada-Surréaliste est vraiment bien difficile à expliquer et à juger.

Vous avez raison, il faut démêler leurs œuvres (quand elles sont bonnes, elle sont fort peu conformes à leurs idées) de leur politique. Mais ils ne tolèrent point qu’on fasse de restrictions ni de séparations. Peut-être, alors, est-il préférable de garder le silence à leur sujet. Comme ils font tout pour faire parler d’eux et que l’ambition, quoiqu’ils en disent, est leur passion dominante, rien ne peut autant les amener à la raison, sauf Breton, naturellement, qui n’en a pas et qui, de ce fait, est irréductible, mais s’il était seul son rocher, il n’irait pas loin, si j’ose dire.

De toute façon, vous avez bien fait d’élever la voix. Il est bon de voir ce qu’ils vont faire. Au fond, je ne suis pas tellement inquiète, je ne crois qu’ils puissent vous faire du mal, et vous avez déjà l’avantage, définitivement acquis, d’avoir prouvé publiquement la lâcheté personnelle de Breton.