Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Jean Paulhan à Benjamin Crémieux, 1932-01-25 Paulhan, Jean (1884-1968) 1932-01-25 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1932-01-25 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Lundi 25 Janvier 32

à B. Crémieux

Cher Benjamin,

J'ai lu Oudard. L'histoire est assez extraordinaire. Mais il faudrait la récrire. Je puis le demander à Oudard, n'est-ce pas ?

Je n'ai pas très bien compris la mauvaise humeur avec laquelle tu me parles des notes de la N.R.F. (et dans un moment où elles atteignent, il me semble, à une indépendance qu'elles n'avaient jamais connu. Je te défie de trouver, dans les derniers numéros, une note de complaisance ou de simple « convenance ».) 

J'ai lu Poulaille. Non, ce n'est pas un chef-d'oeuvre. Mais il y a là un effort pour s'exprimer, un sérieux, une authenticité qui me font mettre le bouquin à mille pieds au-dessus de machines rusées et distinguées, comme Deval ou Simone. Et puis, la question est ailleurs : nous faisons, dans une assez large mesure, confiance à Marc Bernard. Et dès l'instant qu'il tient à parler de Poulaille, je crois qu'il faut le laisser le parler.

Peut-être es-tu un peu fâché à cause de Deval. Remarque que tu ne m'as pas donné la note promise, pour laquelle j'avais enlevé, une première fois, la notule de Denis Marion. Je l'ai attendue un mois. J'ai pensé ensuite que tu renonçais à l'écrire.

Pourquoi vas-tu ressortir cette vieille plaisanterie des compliments que feriat la N.R.F. aux gens qui l'attaquent. Que veux-tu dire ? Qu'on fait intentionnellement des compliments...? Ce serait une simple plaisanterie. Alors, je ne vois pas trop ce qui reste. Quelques éloges à des surréalistes ? (Mais justement, à propos d'eux, loin de les désarmer, les exciter davantage contre nous.) Explique-toi mieux. Mais je ne crois pas que tu puisses trouver autre chose que ceci : c'est que tu n'es pas d'accord avec tous les critiques qui écrivent dans la NRF. Eh, moi non plus.

Il n'est guère, depuis quelques mois, qu'un point, je crois, sur lequel un « observateur désintéressé »

  trouverait quelques reproches à nous faire. Et j'y reviens parce que je ne suis pas tout à fait sûr que tu te rendes comptes exactement de ce qui s'est passé (aussi bien ne t'ai-je pas tout à fait mis au courant). Rose Colonna et Violette Marinier sont la seule oeuvre, depuis dix ans, sur laquelle 1) une étude ait été demandée successivement à tous nos collaborateurs réguliers ; 2) une note ait été, d'accord avec toi, demandée (télégraphiquement) à Marcel, et refusée ensuite ; 3) une note ait été demandée _ également d'urgence _ à Pourrat, et refusée ensuite. 4) J'ai pressé Fernandez, tu le sais, de l'écrire. Il me l'a promis d'abord, puis m'a dit que la note, telle qu'il l'écrivait, contenait plus de réserves que celle de Pourrat ; que dans ces conditions, il préférait renoncer à l'écrire mais qu'à son avis la NRF devait donner la note de Pourrat. C'est tout. Et, tu le sais, j'aurais voulu faire mieux ou davantage. Mais ce que j'ai fait _ ou plutôt ce que nous avons fait (je trouve pour moi, qu'il aurait fallu publier la note de Marcel) ne manquait déjà pas d'injustice.

Je te serre fort les mains. Ton