Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Jean Paulhan à André Rolland de Renéville, 1934-10-18 Paulhan, Jean (1884-1968) 1934-10-18 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1934-10-18 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
MESURES
29, CHEMIN DES PRINCES, CHATENAY-MALABRY (SEINE)
Lundi. [18.10.34]
Mon cher ami,

il existe un « Dictionnaire d’anecdotes » (chez Dorbon) qui vous serait utile, je crois. Il y a aussi les papotages médicaux de Cabanès. Peut-être quelque Dictionnaire de la conversation, et la grande encyclopédie (Mais je connais fort mal l’histoire. J'interrogerai Benda.)

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Peut-être est-il d’autant plus difficile (et méritoire) au critique de dépasser la littérature qu’il l’a d’abord acceptée dans sa singularité. Mais je trouve, pour moi, vos notes excellentes.

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Je connais bien ces textes de Mallarmé : ils ont un ton assez touchant, mais enfin la grandeur de M. est ailleurs – et je crois qu’il n’avait ni assez de patience, ni à un assez haut degré le sens de l’évidence nécessaire (ou, si vous aimez mieux, de la vérité) pour les pousser très loin – je veux dire jusqu’au point où libres du souci d’un poème à écrire, ils auraient valu pour eux-mêmes.

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si vous veniez quelque jour perdre une heure perdre une heure à Châtenay, j’aimerais vous faire lire les quatre études (l’une inédite, les autres publiées par Commerce et la nrf ) où je tente (et j’y parviens, je pense) d’établir l’incohérence centrale de toute doctrine qui se fonde sur la distinction de la pensée et du langage ; par trois exemples : Lévy-Bruhl (et la sociologie), Valéry, Bergson.

J'ai assez bien travaillé, à la faveur de mes angines. Je pense pouvoir vous prêter bientôt les « xx Lettres à Monsieur H. sur l’usage d’un nouvel appareil à décrypter ». C'est, bien entendu, à la littérature que s’applique le décryptement.

(Savez-vous, à ce propos, que les seuls cryptogrammes absolument indéchiffrables , sont aujourd’hui ceux que fournissent les appareils. L'homme n’y parvient plus. Il n’y est, à vrai dire, jamais tout à fait parvenu.)

Quant à l’image….

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Voulez-vous m’accorder :

1/ que, quelle que soit précisément la « vision » de l’écrivain, il est peut-être possible de la définir – et même de se la représenter par un progrès de définitions successives – mais certainement pas de se la représenter directement, naïvement.

2/ que dès lors aucune « figure » (image, style, etc.) ne peut valoir que par allusion à cette vision – et allusion grossière, plus ou moins éloignée. Dès lors cette « correction d’erreur » qu’est l’image ne serait-elle pas façon de donner à entendre (ce que chacun de nous sait profondément) que de la vie et de la vérité apparentes aussi l’écrivain sait passer à la vision…

Mais nous en reparlerons.

Votre ami Jean P.