j’aurais dû vous écrire depuis longtemps, mon cher ami. Pardonnez-moi. A vrai dire, je me suis trouvé mécontent de la longue lettre que j’avais commencé à vous écrire.
(Que vous disais-je? Que l’on pouvait, par abréviation, parler d’un « certain absolu ». En ce sens que nous ne pouvons guère parvenir à imaginer (ou à supposer) l’absolu qu’à partir d’un certain terme relatif, que nous transcendons - ad infinitum, per finita - et que le « certain absolu » qui vous a déplu dans ma lettre signifiait, évidement: « l’absolu obtenu à partir d’un / par l’oubli d’un certain relatif »
Et encore ? Qu’il me paraissait imprudent, si longtemps après Parménide et les autres, de prouver a priori que l’être est un… (mais j’aurais besoin ici de lire tout le détail de votre thèse) Nous en reparlerons.
Pour moi, je voudrais établir principalement qu’il est . Que l’absolu est objet d’expérience et de connaissance - cela à partir de la méthode scientifique la plus simple, semblable à celle de la physique ou de la chimie… Je crois que j’y parviendrai. Mais de cela aussi nous reparlerons.
Vous m’aviez fait, lors de notre réunion, une objection qu’à la réflexion vous ne maintiendriez pas, je crois. Dire que tel sens du mot image est juste, tel autre non, ne revient-il pas à affirmer que l’Allemand a raison de dire Pferd et le Français tort de dire cheval (ou toute différence de langage analogue.)
J’ai reçu hier la « mystique de Baudelaire » où un M. Pommier déchiquète le plus émouvant des sujets. Breton, naturellement, ne m’a pas écrit. (Je mets bien plus bas que son mélange d’obséquiosité et d’insolence, la bassesse qui le fait tenir des propos qu’il est bien libre de démentir ensuite, mais refuser de les écrire.)
Artaud m’écrit que son théâtre s’appellera « Th. de la cruauté ». J’aurais préféré quelque Th. métaphysique (pourquoi pas - il y ait eu dans ce titre une fierté que n’a pas le « Th. de la cruauté ») ou même Th. de l’absolu, Th. alchimique, que sais-je. Mais ses projets sont très intéressants.
Où êtes-vous? Ne me laissez pas sans nouvelles. Je vous répondrai aussitôt cette fois. A vous, très amicalement
Il me tarde de lire vos études sur l’expérience poétique . Et les images, que vous m’aviez promises. Je travaille beaucoup à mes Fleurs de T. Le reste du temps, vie d’homme des bois: défrichement, pièges (plus de rats que de lapins). Ne viendrez-vous pas à Port-Cros?
Ne me donnerez-vous pas des notes pour la prochaine nrf ? Je le voudrais. Aragon paraît aujourd’hui.