Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Roland Purnal à Jean Paulhan, 1951 Purnal, Roland 1951 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1951 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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LE RENDEZ-VOUS À LA CHARTREUSE

Que l’auteur, certes, a mis la main sur un grand cas psychologique : un certain amour où l’homme ne compte pas : l’amour un peu bien équivoque qu’une jeune fille porte à sa propre soeur (depuis l’enfance), un amour vraiment impossible et qui parfois se tourne en haine et dont elle essaye de se défaire... En vain, d’ailleurs, car un tel mal est, de soi, sans remède, etc.

Après une enfance villageoise assez malheureuse (leurs parents s’entendent comme chien et chat) ANNIE et sa soeur cadette sont emmenées à Nîmes par leur grand’père (un brave homme) et une nouvelle commence pour elle dans la demeure des grands-parents.

Entrée au lycée, puis au stade (basket ) rencontre avec quelques garçons (Jean-Pierre, Henri Jacques – des sportifs).

Partout, Annie se montre jalouse des compagnes et des compagnons de sa soeur au moins de se rendre malade. Elle ne s’entend avec personne, etc.

Mort du grand’père : ce deuil ne laisse pas de réjouir Annie, car, du coup, c’en est fait des tiers, des sorties et des rencontres. Elle pourra mener avec la soeur la vie recluse dont sa passion tyrannique rêve depuis longtemps. Or donc, on se claquemure dans la vieille demeure. Etant plus douée pour l’étude que sa cadette, Annie s’emploie à lui donner le goût du travail. Elle y réussit à merveille. Elle la fait triompher au Bac et au 1er Certificat de licence. Annie n’en reste pas moins obsédée de la peur de perdre sa soeur Il arrive qu’elle l’égratigne, qu’elle la rudoie, qu’elle la blesse même (et le sang coule). Ce qui lui vaut alors ce mot de la blessée :

« Je savais bien que tu étais jalouse de moi. Tu es heureuse, à présent ? Tu pourrais me tuer. Ça se voit dans tes yeux. Et peut-être qu’un jour tu le feras. Parce que tu m’aimes à ta manière... »

Tant et si bien qu’Annie arrive à reconquérir toute l’affection de sa soeur. Au poitn qu’elle... (voir page 68) (scène que je trouve très belle).

Il semble pourtant que jusqu’ici Annie soit pure de tout coupable équivoque. Elle n’aspirait qu’à retrouver le royaume de l’enfance que chacun de nous porte en soi.

Hélas ! Elle ne pouvait prévoir que l’enjeu monterait si haut. Après la scène de la page 68 (mentionné + haut) Annie ne tarde pas à se rendre compte que sa cadette est éprise d’elle – selon la chair.

Dès lors, sa décision est prise. Elle se raidit tout de bon et s’arrange pour lui faire épouser un écrivain. (« Mariage qui est une farce » dira plus tard la cadette. Ils se sont laissé marier comme des enfants dans une comédie de patronage).

Cela fait, Annie s’installe à Paris, y fonde quelque hebdomadaire et en devient la rédactrice en chef.

Deux ans + tard, revenant à Nîmes, elle retrouve sa soeur – qui mourra des suites d’une fausse couche, etc.

(Toute cette fin est embrouillée en diable et je ne suis pas sûr d’avoir bien compris).

Un tenant de Freud (ou Potachon) verrait sans doute en Annie le type parfait de la délirante par trouble sexuel inconscient.

Pour moi, cette Annie m’apparaît dans une sorte d’innocence tragique. C'est un peu Phèdre, malgré soi incestueuse. On ne sait d’elle que son angoisse et son repentir. Elle ne peut, certes, faire horreur tant elle fait pitié.

Au résumé, ce n’est pas indifférent. Bien que... Ici aussi, le « bavardage » se donne carrière à l’excès – Manque de rigueur, de fermeté.

Une certaine justesse de ton dans le dialogue.