J’ai versé hier dans la morale de concierge, à propos des enfants. Je m’en suis aperçu un peu plus tard, en pensant que le meurtre d’un nourrisson de six mois m’aurait laissé tout à fait indifférent. La suppression du vieux notaire était non moins condamnable : vous avez parfaitement raison. Disons que dans le cas dont nous parlions hier, il est particulièrement grave que la mère ait déjà cherché deux fois à noyer sa petite fille de deux ans et demi, avant de la tuer dans une lessiveuse.
Mais vous feriez un bien meilleur juré que Dominique ou que moi !
J’ajoute que si j’aime de plus en plus les gosses, le débordement de sensiblerie dont ils sont maintenant l’objet m’agace beaucoup.
Les Cocteau sont inqualifiables. L’exhibition de ces [mièvres?] horreurs est déshonorante. À la lettre, c’est au-dessous de tout. J’avoue que j’ai eu un certain plaisir de vengeance, puisque Cocteau a éprouvé le besoin de me tirer dans les pattes, d’empêcher ma collaboration à La Parisienne, de prétendre que je réclamais sa tête pendant la guerre ! (tout ça parce que j’avais écrit que Jean Marais n’est pas bon!).
Nous avons passé une bonne soirée au Port-Royal. La langue est superbe, et reste cependant vivante. Et puis, tout ce qui touche le jansénisme anime bien chez moi La Reine Morte, comme Malatesta, le Port-Royal me semble une chronique dialoguée plutôt qu’une pièce.
Je vais aller voir Fautrier très attentivement demain, avec votre préface pour guide.
Véronique me reproche de vous avoir « houspillé » hier. Mais vous le savez bien : je veux uniquement exprimer l’amicale impatience où nous sommes, moi et beaucoup d’autres, de vous lire plus souvent.
J’espère beaucoup que les nouveaux manuscrits de mon vieil et cher ami Cailleux vous intéresseront.
À propos des Cocteau : un de nos camarades, antiquaire rue Bonaparte, tout à côté, nous a dit que la galerie ne désemplissait pas, qu’on avait déjà vendu pour deux millions de ces produits (200 à 250.000 frs [francs] les « portraits », 500.000 les grands panneaux.)
Merci encore de nous avoir ménagé hier tous les plaisirs de ce très agréable déjeuner.
Nous vous redisons tous deux toute notre affection. Et à bientôt.