Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Bertha Rhodes à Jean Paulhan, 1935-04-30 Rhodes, Bertha 1935-04-30 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1935-04-30 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
30 avril 1935

4 Blackburne Terrace,

Liverpool, 8

Merci de ta gentil [gentille] carte. Puisque tu trouves ce que je t’ai dit intéressant, fais-en comme tu veux. Je me fis [fies] à ton avis mais arranges le français et l’orthographe pour moi je te prie. B. Rh suffit bien pour signer. Je suis contente que je dis des choses qui t’intéresse… Je te dirai de les [mot illisible] de Mesures quand je l’aurai vu. Je suis très contente que l’affaire pour Ritonne marche bien. Tu me diras quand elle arrive à son [titre ?] n’est-ce pas ? Tu es bien gentil de me raconter tant de choses. J’ai une longue lettre de ta maman chérie, elle me raconte beaucoup de choses, mais avec tout cela je ne sais pas encore où est la petite maison qu’elle désire. Etes-vous rentrez [rentrés] mieux portant après votre petit repos à TrestelFin avril, Jean et Germaine Paulhan avaient séjourné chez les Choffé, à Trestel (Trévou-Tréguignec, Côte-du-Nord). ?As-tu rédigé un programme aussi pour le conseil municipal ? Les gens autour de moi reçoivent les nouvelles politiques selon leur type individuel mais je crois qu’il y en a peu qui se rendent compte du sérieux. L’autre matin, qu’on a encore raconté qu’Allemagne avait encore affronté le reste du monde. Je rentrais de faire mes achats. La dame du rez-de-chaussée m’appella. « Je veux vous parler. Entrez cinq minutes ! » J’étais pressée mais elle est si gentille, une grand-mère parfaite, je m’arrête. Je dis : « les nouvelles ne sont pas bonnes. » Quoi ? Je n’en sais rien. Mais vous avez la radio et les journaux. Oui mais je ne lis pas les politiques, à quoi bon ? Nous sommes à peu près où nous étions en 1914… Pas possible ! Les politiciens se sont rencontrés, ils ont tout arrangé je le crois. Je voudrais vous dire qu’il nous faut décider si nous devons nous en irez aller ou non. Ici nous n’avons pas une chambre à donner et si l’un ou l’autre nous tombions malade ce serait gênant. Ma fille veut que je m’approche d’elle, mon fils et ma sœur de même. Si je m’approche d’un, je serai bien éloigné [éloignée] des deux autres, nous sommes ici depuis 9 ans, et chaque printemps la question se pose… Elle se repose encore. La dame du 1er me happe en passant. « Les nouvelles par TSF sont affreuses, je ne les crois pas. Je ne veux pas vivre pendant une autre guerre ! C’est impossible. Les Allemands sont les gens comme nous ils savent qu’ils perderaient[perdraient] leurs jeunes gens et tous [tout] le reste, ils sont des gens bien savants, bien travailleurs.

D’ailleurs avec leurs aéroplanes, nous serons tous [tués ?] tout de suite et je vous dis que moi je ne veux pas faire queue pour la nourriture, je préfère mourir tout de suite, je ne veux plus vivre !! « Ce ne sera peut-être pas vous qui déciderez cela ! » Je m’éloigné [éloignais). La sonnette. La petite amie consolatrice arrive. « Oui les nouvelles sont fâcheuses. Moi je ne m’en fais pas de soucis. Si Dieu permet qu’on fasse la guerre avec leur nouvelle machine, nous serons tous tués et puisqu’il n’y aura pas de lendemain, il n’y a pas à s’en soucier, voilà tout. » Avec tout cela, on n’est pas plus avancé. Au revoir, Jean.

Je vous embrasse tous les deux bien fort.

Bertha