Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Bertha Rhodes à Jean Paulhan, 1934-06-25 Rhodes, Bertha 1934-06-25 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1934-06-25 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français
25 juin [1934 ?]

4 Blackburne Terrace,

Liverpool 8

Merci bien de ta lettre intéressante. Peut-il qu’une de tes lettres à moi soit perdue ? Ta maman m’a dit d’une lettre venant de Dôle que tu dois m’envoyer. Aussi tu me parles du petit-fils de MaineGermaine Paulhan. comme si tu m’as déjà annoncé son arrivé [arrivée] or je n’ai rien su. Je suis content [contente] que le petit va bien et aussi que sa maman va mieux. Oui en principe moi aussi je veux partir avec vous, je tâcherai d’arriver à Paris le 11 juillet au plus tard.

Nous avons eu les prières et la pluie mais pas assez encore de la pluie. Maine est allée voir son dentiste, n’est-ce pas ? C’est très important quand on soupçonne une dent, à présent je suis payée pour le savoir je viens d’en souffrir aussi ces jours-ci. Un nerf n’avait pas assez de place pour mourir, la dent fut donc congestionnée puis un abcès se forma. Mon dentiste était en vacances, j’attendais son retour quand enfin il travaillait la dent, il ne fut pas à temps pour empêcher l’abcès de se ramasser une deuxième fois. Tout cela m’a fait beaucoup de douleur et surtout une perte de temps, j’avais en même temps très mal à la tête. Tout se calme maintenant.

J’ai passé une semaine à Windermere avec Miss Thomas et Arthur, il va bien. Les arbres et les buissons ont fleuris comme jamais cette année, ils sont tous jolies [jolis]. Nous avons fait de gentilles promenades.

Moi je plains beaucoup Mme Paulhan de tout le tracas de sa maison. Mais il faut finir avec le propriétaire n’est-ce pas avant d’embarquer à faire autre chose. Je crois que vous faites bien de ne pas emmener TatouTatou est le chien de Jean Paulhan. à Port-Cros, à part son amitié avec MaroufMarouf est l’âne de Port-Cros. il sera aussi bien ailleurs. AliAli, le chat noir des Paulhan, mourra au cours de l’été à Châtenay-Malabry. viendra n’est-ce pas ?

Si Maine prend les billets et les places avant mon arrivé [arrivée], elle sera bien gentille de faire pour moi aussi que je sois avec vous. Peut-être me faudrait-il m’arrêter à Bexhill en route, je ne sais pas encore. Je n’ai pas vu la toile dont je t’ai parlé de Girard, elle appartient à une cousine de mes cousins qui habite loin d’ici.

Je souhais [souhaite] que le portrait de Maine soit tout ce que tu attends, il me tard [tarde] d’arriver pour le voir et surtout pour vous voir tous.

Pour ce que tu me dis de ton travail, cela m’intéresse mais tu me fais marcher un peu vite, je perds haleine.

Voici. Quand j’apris [appris] qu’il y a des sauvages qui ont une langue bizarre avec un mot pour exprimer les deux contraires, etc. sans aller plus loin je me l’expliquais ainsi. Les deux contraires sont les extrêmes limites d’une série – une line [ligne] dont le milieux [milieu], le moyen, le souhaitable est le bon, le vrai selon leur idée.

Tout qui s’écarte de ce bon état ou idée est mal et peut-être exprimé par un seul mot pour tout qui n’est pas le bon. Aussi entre la bonté et la méchanceté, il y a l’indifférence, pour beaucoup d’hommes sur la terre l’indifférence est l’état idéal. Entre l’esprit et le corps, il y a l’homme complet et ainsi de suite. Mais je divague, je néglige ce que tu me dis. Oui je comprends bien que la pensée est une chose et le langage une autre. Ceci en est une exemplaire [un exemple] je pense. Et puis on fait ce qu’on peut avec les mots qui se présentent, pas besoin de me rappeler les difficultés de trouver les mots qui ont à peu près la même valeur pour moi et ceux qui les entendent. En France, on m’a souvent dit que j’ai dit une chose quand ma pensée n’était pas cela. Même en ma propre langue mais plus rarement. Oui, oui c’est presque toujours [l’entourage ?] du mot qui précise le sens. Je ne te comprends pas très bien ici « qu’elle tire parti de ce double sens » et ensuite et je ne sais pas ce que tu veux dire par la « pensée infinie de Dieu ». Que Dieu soit infini – que la pensée de Dieu soit infinie – qu’on pense infiniment à Dieu ?

Enfin pourquoi mettre tout cela sur le dos des sauvages ?

Je suis bien stupide sans doute, je tâcherai de repenser à tout cela que tu dis.

En général, je préfère les simplifications aux amplifications.

Que Maine soit tout à fait remise.

Je vous embrasse bien tous les deux, à bientôt.

Bertha