Merci pour ton petit mot.
Je suis rentrée hier soir de Windermere. J’espère que tout s’arrangera. Nous avons, n’est-ce pas un contract [contrat] avec les Hazlehurst qu’ils s’occupent tout [tous] les deux d’Arthur. Or l’homme est malade, il ne guérira jamais tout à fait mais il ne le sait pas, sa femme était aux despoir [désespoir] pensant que puisqu’ils ne peuvent pas remplir leur devoir que je voudrais les chasser et chercher d’autre ménage. Je l’ai rassuré [rassurée]. Elle s’occupe d’Arthur admirablement sauf qu’elle n’a pas le temps de lui [le] promener deux fois par jour. Un voisin l’a fait ces jours-ci pour l’aider mais il ne peut pas toujours. Le médecin voulait proposer un homme qu’il connaît pour les promenades, mais je ne le trouve pas très pratique, ce type est tuberculeux, il est très supérieur et il veut un assez fort gage. Enfin le médecin
Moi je préfère de donner la liberté à Mrs Hazlehurst de choisir et engager celui qui sortirai [sortira] avec Arthur parce qu’elle vera [verra] tout de suite si cela ne va pas. Aussi je n’aimerai pas comme veut le médecin enlever de l’argent des gages des Hazlehurst pour payer l’autre comme si on ne l’avait pas confiance en eux qui ont bien fait pendant plus de quatre ans. Je les ai beaucoup réconfortés ; ensuite il me faut avoir l’avoué de mon avis aussi, je lui ai écrit pour le voir. Le pauvre H[azlehurst] a l’os du machoir pourit [de la mâchoire pourri], trop pour qu’on puisse opérer. On l’a traité, on a arrêté le mal pour le moment. Peut-être le [au] printemps pourrait-il reprendre l’occupation pour quelques temps [ ?]
Arthur était très content de nous voir. Mais il avait des larmes aux yeux à notre départ. Nous faisions [avons fait] trois bonnes promenades avec lui malgré le temps de gros [grosses] averses. Je suis très contente des bonnes nouvelles de Germaine. Je vous embrasse bien tous les deux. Excuse en hâte.
Le tableau est arrivé mais je n’ai pas eu le temps de le déballer.
Son père était d’origine Irlandais et sa mère allemande. Il faisait ses études à Charterhouse, une influence très bourgeoise, il ne s’entendait pas très bien avec ses camarades mais il jouissait bien de bons [bonnes] vacances passé [passées] chez les parents de sa mère en Allemagne et aussi d’autres en Pays de Galle.
Il allait entrer à l’Université quand la guerre éclata. Il s’engagea aussitôt, en peu de temps il se trouvait officier en France avec un régiment gallois. Il raconte franchement tout ce qu’il voyait, tous [toutes] les erreurs et les défauts imprudemment même, on me dit qu’on va le poursuivre pour cela même
2.
Il fut blessé trois fois. Pendant les congés de convalessence [convalescence] il ne pouvait guère supporter la vie civile, il lui tardait de repartir pour eschapper [échapper] à ces insincérités. Il épousa une jeune fille d’idées très avancées. Ils se marriaient [marièrent] très légalement que pour faire plaisir aux parents. La guerre fini [finie], ils passaient des années très difficiles, ils avaient quatres [quatre] enfants et peu d’argent. Il était à l’université d’Oxford aidé par le gouvernement, il finit par être reçu à ses examens, il entra dans l’enseignement. A cette époque, il fut influencé par le communisme. Il accepta une situation à l’université du Caire, là il se disputait avec ses collègues, il préférait rentrer en Angleterre. Peu à peu il se de s’était défait de tout. Ses idées politiques, sa religion, les traditions de sa classe, sa famille, il reniait ses poèmes même. Vers la fin, on entrevoit un drame et sa femme le quitte ou plutôt ils se séparent. Ses amis à cause de un ou d’autres de ces faits l’avaient abandonné. Toute sa vie s’est « désintégrée » comme il dit, il ne reste plus rien. Il écrit ce livre même pour pouvoir se débarrasser de ses souvenirs.
3.
Graves a écrit son livre l’été passé, c’était publié en novembre. Tu dois le faire lire à un de tes collègues. C’est vrai ! Ce n’est pas à négliger. J’ai lu aussi un autre livre sur la guerre par Ernest Hemingway « Farewell to Arms ». C’est bien mais ce n’est pas aussi fort que le livre de Graves. Hemingway a vu la guerre en Américain, servant faisant son service dans une ambulance italienne. Il est un Américain prudent, il parle de tout mais avec discrétion. Selon lui, les Italiens font la guerre naïvement. Il raconte le grand [reculement ?] de l’armée italienne d’une manière impressionnante. Il se démobilisa, ce n’était que prudent, tout juste il eschappa [échappa] bel d’être fusillé. Avec tout cela se melle [mêle] une histoire d’amour tendre et sympathique qui finit dans la tristesse avec la morte [mort] de la jeune femme. Avant de lire ses [ces] deux livres, j’ai lu « A l’Ouest rien de nouveau »collection un receuil [recueil]
4.
d’histoires qu’on a récité [récitées] ici et là au moment de la guerre. Même pour les personnes qui ont oubliés [oublié] ces moments d’horreur c’est d’autant plus impressionnant. C’est habillement [habilement] écrit et le moment choisi pour le faire sortir fut propice. Justement on désirait regarder la guerre de toutes ses faces. Et encore la réclame a été savament [savamment] faite.
Encore j’ai lu d’autres livres.
« The bridge of San Louis Rey » par Wilder. Ce livre est sorti il y a à peu près deux ans. Le connais-tu ? C’est très bien imaginé pas banal du tout, les [personages] personnages très vivantes [vivants] il me plait.
Aussi j’ai lu un ancien livre de Virginia Woolfe [Woolf] « Night and Day ». C’est intéressant mais par moments un peu traînant.
Je lirai d’autres livres d’elle quand je trouve l’occasion.
Je n’ai pas encore lu « Death of a Hero »
monde se sont inscrit pour les livres que je désire. Miss Barnes qui les a déjà demandé [demandés] m’a permit [permis] de les prendre à sa place, il faut lire très vite. Moi je ne lis pas rapidement, cela m’a bien occupée depuis le nouvel an et avec des lettres à n’en [plus] finir qui pressaient et moi un peu fatiguée aussi, mais je vais mieux à présent. Voilà pourquoi tu n’as pas reçu [de] lettre de moi. Maintenant ce long griffonage [griffonnage], peux-tu le déchiffrer ?
Je suis très contente d’apprendre que tu vas mieux et que vous avez passé de bons [bonnes] vacances à Salié [Salies-de-Béarn]
D’ailleurs tu me dis que tu es content que je t’avais écrit comme si je n’avais pas écrit depuis longtemps. Or je t’ai écrit dix jours avant cela. Je crois l’avoir adressé rue de Grenelle
Je n’ai pas fait de la peinture encore, la vie est trop pleine, je n’ai pas eu le temps. J’avais espéré pouvoir venir à Paris à cette époque mais je ne puis pas l’arranger encore, je suis encore retenue puis vers le 12 février j’ai le projet d’aller voir les tableaux italiens à Londres et en même temps faire un crochet pour voir deux tantes. Miss Thomas y va aussi. Après cela on verra.
Tu te trouve [trouves] bien rue de Baune [Beaune]
Je suis contente d’apprendre que M[arcel] Arland a reçu ce prixL’Ordre.
Au revoir Jean.
Je vous embrasse bien affectueusement tous les deux.
28 janvier 1930