Paris le 10 juillet 1931
15 Avenue Junot (18è)
Monsieur le Directeur de la Nouvelle Revue Française
[?]
Monsieur,
En Décembre 1919 Littérature publiait ma réponse à une note sur Dada parue dans la N.R.F., Jacques Rivière à qui ma lettre était adressée ne lui ayant pas fait droit de publication. 11 ans après, sans plus d’espoir, et dans une circonstance qui par plus d’un point m’atteint de la même façon douloureuse : la tristesse que suscite en moi une inconscience et une incompréhension totales d’une activité à laquelle j’ai attaché la plus
Sans vouloir réfuter en détail l’Histoire de Dada de G. Ribemont-Dessaignes, je fais remarquer qu’il est au moins osé de prétendre à une quelconque objectivité – le ton d’un témoin oculaire étant pour le plus grand nombre de vos lecteurs trompeur, - quand l’auteur de ces articles a pris une part si active au dénigrement de l’un d’entre nous, André Breton, dans une publication de honteuse mémoire, Un Cadavre.
Une attitude « jemenfichiste » dada, que l’auteur semble observer tout au long de son exposé, s’allie mal avec une besogne, prétendant, par moments, à un enchaînement logique des faits.
Je déclare formellement qu’une grande partie des faits exposés sont faux, incomplets, interprétés arbitrairement, insuffisamment documentés et envisagés uniquement d’un point de vue pittoresque, anecdotique, journalistique qui a toujours répugné à la plupart des personnes ayant pris part à Dada.
Rien de la signification spirituelle d’une tendance reposant sur l’omnipuissance de l’idée et la dictature de l’esprit, ne transparaît des articles de G. Ribemont-Dessaignes.
Il ne m’est pas facile aujourd’hui que toute l’activité dada est incorporée à une partie de ma vie, avec la part d’oubli que comporte le passé, que je veux lui faire comporter, activité terminée volontairement, et pour des raisons autres que celles invoquées par l’historien, de prendre position dans ce débat. Je ne puis que protester au nom de l’amertume que j’éprouve, contre une déformation visiblement tendancieuse à laquelle un de ceux qui avaient toutes les raisons pour être mieux informés se livre aujourd’hui avec légèreté et insouciance.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, mes salutations distinguées
Tristan TZARA