[1927]
mon cher ami,
je trouve que vous me délaissez. Pas une carte !
Je suis à Varennes, où l’on me pose des cataplasmes et fait des massages – suite de mon accident d’auto.
En venant, l’autre nuit, par le train, voici un rêve que j’ai eu. Autour de moi, des formes animées. Je leur demandais si elles étaient des anges et je m’efforçais de leur donner visage humain (visages un peu mécaniques, comme dans certains Chirico). Mais elles répondaient : « Non, des forces », et elles ressemblaient en réalité à ces dessins vagues de Michaux, ou d’Ernst.
D'ailleurs il m’était difficile de les voir, car je les sentais derrière mon dos. J'étais très anxieux ; je sentais qu’elles allaient me faire une grande révélation. Soudain l’une d’elles m’a murmuré : – « Savez-vous que Dieu est souffrant ? » J'étais éperdu. Je lui ai dit : « – Ne le dites pas seulement à moi, je vous en supplie. »
Il pleut. Je n’ai pour m’amuser qu’un chat très maigre.
Quand vous serez revenu à Paris, lisez dans la Revue de France du 1° Aout une page de M. Pierre Quint sur moi. C'est ignoble. J'ai de cet immonde faquin des lettres où il m’assure « de son admiration, de son respect, et de son amitié » (« et croyez bien, ajoutait le personnage, que je pèse chacun de mes mots. »)
Je pense que vous vous amusez bien tous deux, et vous envoie mes amitiés.