mon cher ami. voici des revues, et ma « chronique » pour laquelle je vous laisse le soin de trouver un nom. J'ai beaucoup hésité à la faire ; cela me semble bien prétentieux. Comme ce n’est ni une note, ni qqch. De courant à la nrf., je suis gêné à la pensée du public. Je me dis : « Il faudrait des réflexions profondes comme celles de Valéry, un lyrisme égal à celui de Claudel etc. Qu'est-ce que j’ai à leur offrir ? » Il me semble que j’entre avec des vêtements sans élégance dans un cercle mondain. Et je sens bien que Prévost ne me pardonnera pas cette Chronique (Prévost est un symbole). Etc.
Enfin voyez. Mais, comme il ne s’agit pas que de moi, mais aussi de vous, qu’on pourrait accuser de favoriser vos amis, soyez pour cette chronique extrêmement sévère, et même tout.
– J'ai « fait » quelques revues. Si vous le voulez bien, je continuerai à en « faire » quelques unes, mais quelques unes une ou deux seulement, car il m’est impossible de lire 10 revues par mois. Il faudrait faire, me semble-t-il, de ces petites notes, qui sont à la fin de la revue, des moyens de discussion, de controverse, de combat, d’affirmation. Je crois d’ailleurs qu’elles sont en train de le devenir.
Etc. –
Ajaccio
Bastia
Cargese
Piand
Evizza Hôtel Gigli
très beau
- Corte
Votre lecture de mercredi m’avait trop vivement séduit, pour qu’ensuite je ne me méfie pas des causes de cette séduction. Bien entendu, l’intérêt de votre essai est d’abord dans le sujet, et dans votre pensée. Mais il est aussi, très insidieusement, dans la forme de cet essai, et dans les détours de cette pensée. C'est ici que je voudrais reprendre ce que je vous disais naguère à titre de compliment, le reprendre comme un reproche : vous menez vos spéculations plus habilement qu’Arsène Lupin ne cherche un trésor, Holmes : un voleur. Cela me charme et m’irrite. J'ai peur que vous ne vous moquiez de moi, et un peu de vous. Vous exposez un argument, vous paraissez l’abandonner, vous indiquez une nouvelle difficulté, je vous crois perdu ; bien entendu vous vous rétablissez et je sais à quoi vous ont servi vos méandres. Mais précisément c’est cela qui me pique. Vous retombez trop bien sur vos pieds. Je me demande s’il n’y a pas là un tour de passe-passe. Remarquez que je serais désolé si vous changiez de procédé. Mais enfin... vous pensez bien que je ne pourrai apprécier votre essai qu’en le lisant. Mais je suis un peu inquiet. Vous débutez par un accord de tout l’orchestre, puis je n’entends plus que des soli, et, conclusion : tout l’orchestre de nouveau. Vous semblez expliquer toutes les particularités de la littérature contemporaine par la situation critique des images et lieux communs.
Le plus fort est si je voulais vous faire des compliments, je me servirais des mêmes arguments. Mais de plus je devrais parler de vos conclusions, qui me paraissent extrêmement important. Je vous dirais aussi que vous êtes sans doute seul capable aujourd’hui d’écrire cet essai. Je vous avancerai que je dois à vous connaître de m’efforcer, autant que je le peux, d’exercer
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– Naturellement, pour Jean Guérin, c’est comme il vous plaira. Crémieux a du [dû] lire ma note sur Montherlant, et sent le besoin de ne pas s’engager. Je le dis sans malice. Quand je pense à Crémieux, maintenant, je l’appelle : Benjamin.
– J'ai fait une petite note sur Gorki, et 3 notules, que je vous enverrai pour le 10.
– J'ai reçu les poèmes. A première lecture, je les aime assez. Je les relirai, pour vous les apporter mardi.
– Toujours pas de salamandre. J'ai deux lézards : animaux communs et indignes de vos constructions.
– Il faut que vous me réserviez une journée à la fin du mois, pour que je vous lise ce qui de mon roman ne sera pas écrit.
– Ici, une de mes Américaines ressemble à Mlle Marchesseau. Nous nous aimons beaucoup. Je me promène avec elle dans les bois, le soir : parfois j’éclate de rire. Cela la surprend.
– Je pense vous faire avoir 2 ou 3 abonnements à la revue.
– Ci-joint des vers.