Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1927 Arland, Marcel (1899-1986) 1927 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1927 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
IMEC, fonds PLH, boîte 92, dossier 095001 – 1927
Français

ÉCOLE DU MONTCEL

ENSEIGNEMENT SECONDAIRE DES GARÇONS

JOUY-EN-JOSAS

(S. & O.)

TELEPHONE 30

DIRECTION

[1927]

mon cher ami,

merci de m’avoir communiqué la lettre de Gide. Je ne croyais pas que cet homme fût si vindicatif, et si homme de lettres. Sa lettre est haineuse. Ce sont de vérittables insultes, qu’il m’adresse. M'accuser d’ingratitude, de reniement et presque de malhonnêteté, parce que j’ai dit sur les F.M. [Faux-Monnayeurs]Ce que je pense être la vérité ! Je n’ai pas besoin qu’il me rappelle ce que je lui dois. Mais quoi ? Voudrait-il que je l’en paie par des flatteries ou des compliments de commande ? Vraiment, me prend-il pour un de ces jeunes gens de bonne volonté qui, à chacun de ses passages à Paris, vont quêter son opinion sur la température ? Est-ce là toute l’estime qu’il a pour moi ? Quand ai-je fait figure de complaisant ? Comment ne voit-il pas que si je l’admirais moins, je lui ferais moins de reproches ?

J'ai relu l’article incriminé. Il est possible que je ne sois pas adroit, mais je ne tiens pas à l’être avec les gens que j’aime, ou que j’admire. Aujourd’hui encore, il n’est aucun des termes de cet article, que je ne sois prêt à soutenir. Je ne le regrette qu’autant que G. [Gide] en a été blessé ; mais je regrette surtout, et amèrement, que G. [Gide] soit blessé par une opinion critique sincère. J'avais une autre opinion de lui.

« Blessé ». J'ignorais que Gide pût être blessé par un article de moi, et même qu’il s’en souciât, et aussi qu’il se souciât de moi en quoi que ce fût. J'ai eu pour cet homme (je dis pour cet homme et non pas seulement pour son oeuvre) une affection que j’ai la naïveté de croire assez rare. Libre à lui de l’avoir traitée négligemment. Mais qu’il ne vienne pas maintenant se dire « blessé ». On ne peut être blessé que par des gens auxquels on n’attache quelque importance.

Vous me dites « Je désirerais vraiment beaucoup que vous vous réconciliez. » Je me reprocherais de ne pas obéir à un souhait de votre part. Mais est-ce moi qui me suis fâché ? Comment aurais-je l’audace d’être fâché contre André Gide ! Si loin de Gide que je puisse aller, je garderai pour son oeuvre (puisqu’il m’empêche de le faire pour sa personne) les mêmes sentiments que j’eus jamais. Et, qu’il se rassûre, je serai toujours le premier à dire ce que je lui dois, comme je l’ai dit jusqu’ici. Afin de ne pas risquer de le blesser, je me garderai d’écrire quoi que ce soit sur lui. Quant à lui « offrir le retour », cela veut dire sans doute faire un article d’excuses. Non.

Si enfin l’animosité d’André Gide y peut trouver satisfaction, je m’interdirai toute collaboration à la nrf.

votre ami marcel arland

Une remarque. Contrairement à ce que prétend A.G., je ne lui ai nullement donné du « grand écrivain » dans l’article en question. Sur ce point encore il défigure mes sentiments et jusqu’à mes paroles à son égard.