Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1930 Arland, Marcel (1899-1986) 1930 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1930 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Français

LE COUVENT

CHAUSSY

PAR BRAY-LU (S.&.O.)

T° 20 à CHAUSSY

[1930]

Cher Jean

Tu as raison pour ma lettre sur Dieu, etc : je t’avais dit que je m’étais péniblement amusé à l’écrire. Je la retoucherai. Merci de tes remarques, les exemples que tu cites à l’appui de tes critiques me seront très utiles.

Je t’écrirai plus longuement demain ou après-demain. Nous sommes assez fatigués. Nous avons eu à peu près autant de travail que vous à Port-Cros la première année. Cela va mieux. Il restera du travail pour toi.

Oui, oui, on fera ton portrait. Ce sera l’affaire d’une quinzaine de jours, de chacun 4 ou 5 heures de complète immobilité.

Au revoir. Nous sommes vraiment heureux de penser que vous serez bientôt auprès de nous.

M.

J'ai envoyé directement à Paillart les épreuves de mes notules. Aucune corresction qui entraîne un changement de lignes.

- Mme de Noailles est très souvent grotesque ; je viens de lire d’elle certains poèmes de guerre, où elle est à fesser. Mais tu as tort si tu n’as pas vu dans Exactitudes certains passages qui tiennent le milieu entre Montherlant et Barrès. (Par exemple, au début, quand elle parle de la campagne romaine « Je viens de chez les morts. Ils dorment, certes, profondément ». Je cite faussement, mais il y a là un ou deux mots, mais en incision comme ce « certes » qui sont d’un grand artiste.)

- Je n’ai pas ouvert un livre depuis près d’un mois.

Mardi. Je viens de lire le début des Fleurs. Je trouve cela très au point (ce que je craignais un peu, c’était certaine dispersion ; c’est au contraire très ordonné). A peine ai-je eu parfois une impression de « papillottement » ; peut-être était-elle due au grand nombre d’exemples, et à leur bonheur individuel. J'ai parfois eu cette impression chez Montesquieu. - Je n’ai pas d’objections à te faire. Peut-être te fais-tu un peu la partie belle en faisant de cette crise des lettres la marque de notre époque ; peut-être aurait-il été bon que tu en cherches les origines.

- Tu dis « Je ne sais s’il est vrai que les h. [hommes] de lettres se soient contentés jadis de distraire d’honnêtes gens. Ils le disaient. » Je ne

crois pas que ce soit vrai. Ils se disaient au contraire que le but de la littérature était d’instruire. Jadis Rivière m’objectait que Racine ne cherchait pas à instruire ; eh bien ! Oui, il le cherchait ; du moins le dit-il dans la préface de Phèdre.

Je crois que les Fleurs viennent à leur heure, et qu’elles auront beaucoup d’influence.

N'oublie pas de m’adresser la suite.