Non, ce que Saurat dit de moi ne me semble pas faux (toutes réserves faites sur l’intelligence : c’est un compliment qui, s’il arrive qu’on me l’adresse, me fait tomber des nues ; je le dis assez naïvement, mais sans modestie). Soit par « sensibilité », soir par curiosité, soit par faiblesse, soit encore, en ce qui concerne cette chronique, par désir de n’être pas injuste, de comprendre, et d’aller à l’essentiel et de ne pas juger une oeuvre d’après mon propre idéal – je me sens touché par l’homme derrière le livre, guetté, requis, séduit par lui.
Cela veut dire sans doute que je ne suis pas un vérittable critique. Mais je n’ai jamais cru, jamais désiré l’être. Et je vois bien ce que le lecteur et la revue y perdent. Mais je ne crois pas qu’ils perdront ne fassent que perdre.
Fais-moi part, je te prie, des critiques que l’on t’adresse à mon endroit. Cela m’est très utile. Surtout, de temps à
autre, dis-moi ce que tu penses toi-même, ce que tu regrettes. Tu sais qu’aucune critique de toi ne peut me blesser.
Je ne pense pas d’ailleurs continuer longtemps encore cette chronique. Et si tu trouvais quelqu’un qui s’en chargeât je la laisserais sans hésiter. N'hésite pas toi-même.
Je préférerais
Je me sentirais plus à l’aise, à ne parler, à mon gré, que de ce que j’aime ou qui me blesse vraiment, d’un homme, d’un paysage, d’un fait, rarement d’un livre.
Ce que Saurat dit de Thibaudet me semble moins bon. Le Thibaudet qui parcourt toute la littérature avec des bottes de sept lieues est plaisant, vivant.
« L'académisme » de la N.R.F.... Oui, peut-être ; c’est peut-être un des deux grands dangers qu’elle encourt, l’autre étant l’inconsistance et la tendance à être à la remorque des petites revues.
Guéris-toi vite.
Tout affectueusement