Je suis bien ennuyé, Jean, que Ch. [Chardonne] t’ait envoyé une lettre « terrible » par ma faute. Mais son double jeu m’a révolté. J’ai préféré, en ce qui me concerne, un éclat. En ce qui te concerne, j’ai pensé que son jeu n’était pas moins double. J’ai dit à A. Bay [André Bay ], qui allait le voir, et qui me demandait d’où je tenais les propos que je lui reproche, que je les tenais de dix personnes ; que la semaine dernière, tu ne m’avais communiqué qu’une phrase d’éloge et que c’était moi qui avais réclamé la lettre entière.
J’ai reçu, moi aussi, une lettre de Ch.[Chardonne] Il dit : « Des éloges sur vous, personne n’en a fait qui puissent se comparer à ceux que j’ai encore l’occasion de répéter quelquefois. Vous n’avez pas que des qualités. Vous avez, comme nous tous, de grands défauts, des torts assez lourds, que vous connaissez, qui sont visibles, que personne n’ignore. J’en ai parlé aussi, jadis surtout. Je n’ai jamais rien appris à personne. Vous êtes cet ensemble, tout
Je lui écris : « Vous avez tort de vous en prendre à Paulhan. Il ne m’avait communiqué, par lettre qu’une phrase d’éloge, de vous, à propos de ma dernière chronique. Cet éloge était si opposé aux critiques que vous faisiez sur moi, à d’autres personnes, que j’ai réclamé de lire votre lettre tout entière. Si P. [Paulhan] y a consenti, c’est qu’il ne voyait, dans vos autres propos, qu’une boutade. - Et sans doute, ces autres propos m’auraient moins blessé, si vous me les aviez tenus directement. »
- Laissons passer l’orage. L’essentiel est notre intime entente, c’est qu’il n’y ait entre nous qui ne soit net ; que notre amitié soit la moins complaisante et la plus loyale.
- Oui, Mauriac a grandi depuis quelques années (malgré tout). Et bien sûr, s’il nous donnait son Bloc-Notes, ce serait piquant, ce serait sans doute utile à la revue. Mais si, refusant, il se vantait et nous poursuivait de son refus ?
Je t’embrasse