Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan, 1936 Comnène, Marie-Anne (1887-1978) 1936 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1936 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Samedi [1936]

Cher ami, G. [Gabriel] Marcel est venu me voir tout à l’heure. Et nous avons longuement parlé de l’imprudence qu’il y avait à prononcer des paroles en l’air. Comme je m’en doutais, vous n’étiez nullement en cause. Ce propos qu’il aurait tenu il y a quelque 8 mois ou 10 s’adressant aux éditions non à la revue ; il m’a répété à plusieurs reprises avoir admiré au contraire la liberté et l’indépendance que vous aviez montrée en publiant Grenier, etc… Il a pourtant reconnu qu’il avait eu tort de dire des choses dont il ne pouvait être sûr et qui lui avaient été inspirées par l’opinion d’une de ses amies [russes ?]. Voilà. Il était vraiment confus et attristé en lisant les 2 pages de votre lettreCf. lettre de JP, PLH_125_020878_1936_08. et d’autant plus qu’il est parfaitement convaincu que non seulement vous êtes au-dessus de tout soupçon mais que l’argent n’a pour vous aucune importance. Je puis vous affirmer qu’il était profondément sincère. Quand je lui ai demandé devant qui il avait prononcé de telles hérésies il a cherché un grand moment à se le rappeler ; je puis vous affirmer aussi que ce n’était pas devant F.[Fernandez]Ramon Fernandez (1894-1944), écrivain et critique à la NRF. mais devant un imbécile quelconque dont il ne m’a pas dit le nom et qui sans doute l’a répété à sa manière, amplifié encore et déformé par la 2ème édition. Peut-on vraiment condamner quelqu’un sur d’aussi superficielles déclarations ? Il m’a dit aussi se trouver horriblement gêné parce que comme il pensait un certain nombre de choses très favorables sur L’Homme est-il humainL’essai philosophique de Ramon Fernandez, L’Homme est-il humain ?, était paru le 18 mai 1936. quand son article paraîtrait il aurait l’air d’appeler sur sa pièceLa pièce de théâtre, Le Dard, paraît chez Plon (1936). l’article de F[ernandez] dont il ne peut nier qu’il le préférerait à tout autre article.

Voilà : vous savez tout. Je crois Marcel incapable de mentir ; il est imprudent, emporté et naïf mais il est toujours sincère. Je crois aussi que dans la mesure où la chose est possible il ne faut pas trop l’abandonner. Serez-vous à Paris le mardi 29 ? Peut-être pourrions-nous dès à présent retenir ce soir-là pour que vous veniez dîner à la maison avant que l’année finisse. Je suis à peu près sûre qu’il ne restera plus autour de moi la moindre odeur de grippe, ni la moindre contagion. Nous serons entre nous.

Pour la M[aison] H[aute]Marie-Anne Comnène, « La Maison haute » (la NRF, n°285, juin 1937)., je vais essayer de deviner ce qu’il me paraît utile de rectifier et d’allonger et je vous enverrai une nouvelle 2ème partie. Si je ne devine pas, ne voudriez-vous pas vous-même rectifier ? Vous me dites qu’il s’agit de traits simples que je changerais sur épreuves ? Peut-être que les quelques mots que vous voudriez bien ajouter vivants et vifs remplaçant ceux qui vous paraissent morts ou languissants seraient pour moi d’un enseignement plus efficace que n’importe quelle démonstration. Et ça me ferait tant plaisir de distinguer ces grains de blé dur au milieu de mon orge pâle.

Au revoir, bon noël à vous deux et mon amitié

Marie-Anne