Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan, 1952 Comnène, Marie-Anne (1887-1978) 1952 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1952 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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Samedi [1952]

Cher ami,

Je reçois aujourd’hui seulement cette Lettre aux directeurs de la RésistanceJean Paulhan, Lettre aux Directeurs de la Résistance (Les Éditions de Minuit, 1952, 54 pp.). Cette Lettre… porte l’achevé d’imprimer le 10 janvier 1952, puis le 1er février 1952 pour la seconde émission. qui vous a valu un tel concert de désapprobations, d’injures, et tout au moins de réflexions désagréables.Cf. notamment la polémique avec Louis Martin-Chauffier. Je la trouve quant à moi si semblable à vous-même qu’elle ne m’étonne ni ne me déçoit ; elle poursuit simplement avec [mes ?]Manque-t-il un mot ? cette recherche de votre vérité qui n’est pas évidemment celle de vos contradicteurs et c’est là qu’est tout le problème. Mais la recherche de la vérité a toujours valu aux sages de tous les temps les pires accusations, la plus noire incompréhension, quelquefois la gloire et d’autres fois la cigüe, il faut vous résigner.

Par ailleurs, votre incorrigible besoin – et pourquoi en effet corriger un besoin, c’est à dire sa propre nature ? – de [mot illisible] les difficultés risque d’enténébrer ce qui est tout clair pour qui vous connaît ; pouvez-vous espérer que chacun vous connaisse assez ? Pouvez-vous exiger que chacun devienne à la fois juste et subtil en vous lisant ? N’avez-vous pas un peu trop le mépris des blessures encore trop vives et qui rendent l’esprit soupçonneux en l’obscurcissant. Pourquoi ne pas vous laisser aller à votre généreux [ ?] envers les êtres que vous voulez instruire ? Ne vous écouteront-ils, ne vous comprendront-ils pas ? Mais ils [sentiront ?] que vous les plaignez encore. A bientôt. Quand serez-vous de retour de votre AfriqueJP est parti le 18 janvier 1952 en Guinée et rentrera début février après trois semaines de voyage. ? Et croyez-moi votre fidèle

Marie-Anne

P.S. : Il me semble que ce que les moins suspects de vos lecteurs ont le droit de vous dire : Soit, la patrie, c’est selon le code, le gouvernement mais vous avez prouvé que l’on avait parfois le droit de considérer que le gouvernement cessait d’être la patrie puisque vous êtes entré dans la Résistance.

A quoi vous répliquez, oui et je continue à résister contre ce que je trouve injuste ou arbitraire.

Sans doute mais ce n’est plus la patrie qui est en cause et cette résistance contre l’injustice et l’arbitraire est celle de tous nos instants et de toute notre vie présente ou passée ; comment la contrôler, la codifier, l’imposer aux autres ? Autant dire que vous voulez imposer la délicatesse, l’intelligence, la bonté. Hélas !

Ah ! ce n’est pas simple de se faire entendre, ni d’être bon, ni d’être juste surtout ; il faut tout de même essayer et que les contresens soient évités au moins par les meilleurs. Quand vous serez à Paris, dites-le moi pour que je vous envoie des places pour Six personnagesSix personnages en quête d’auteur, pièce de Luigi Pirandello traduite et adaptée par Benjamin Crémieux et Marie-Anne Comnène.