Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marie-Anne Comnène à Jean Paulhan, 1955 Comnène, Marie-Anne (1887-1978) 1955 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1955 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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[Comnène]

Vendredi [1955 ?]La lettre de MAC date d’avant le 25 septembre 1955, cf. lettre de JP PLH_125_020878_1955_06.

Cher ami, oui. Mais êtes-vous vraiment poursuivi ? Et sous quelle forme ? Ce serait excellent pour l’Histoire d’O. On la tirerait à cent ou deux cent mille exemplaires. Non, je ne vois pas là le moindre « outrage » ni « public », ni privé à la pudeur. Si je voudrais discuter quelque chose, ce serait plutôt certains étonnements de Jean Paulhan. « Il est peu d’hommes qui n’aient rêvé de posséder une Justine, mais pas une femme que je sache n’avait encore rêvé d’être une Justine » dit notre auteur, p[age] 3.

Mais si ! D’abord la plupart des prostituées : ce goût de l’esclavage en effet très antique chez la femme est toujours à base de prostitution dans le commerce que la femme fait de sa propre chair, élire un maître, un vrai patron qui ait sur elle tous les droits et d’abord celui de la battre et de la torturer est l’unique preuve d’appartenance et donc pour elle d’amour qu’elle puisse espérer et en-dehors des prostituées, j’ai connu, je connais encore une femme qui ne reçoit et ne souhaite recevoir de l’homme avec qui elle vit depuis 12 ou 15 ans que les distributions de coups de pieds, gifles et autres gentillesses dont il la régale avec régularité ; il ne peut guère lui accorder autre chose en récompense de services purement ménagers qu’elle lui rend car il ne la supporte pas physiquement : ces « miettes » comme elle dit lui suffisent et elle parle simplement de se suicider le jour où elles lui manqueraient.

P[age] 10 Je ne crois pas que les femmes qui ne sont pas de l’espèce esclave-prostituée pensent que la beauté féminine est plus grande que la beauté virile. C’est le contraire qui se produit je crois chez toute femme qui regarde.

L’homme est infiniment plus beau que la femme. Précisément plus secret, plus discret, et plus fermé comme il convient à ce qui doit dominer toujours et ne jamais se livrer tout à fait.

Mais j’aime (page 15) votre définition de l’Amour – elle me paraît entièrement juste et que certaines [suppliques ?] et tremblements de l’âme valent bien le fouet et les anneaux dans la chair [mots illisibles] p[ages] 17-18.

Ah ! bien sûr tout comprendre ne saurait jamais signifier tout pardonner ; mais n’était-ce pas ainsi toujours ? « Celui qui augmente sa science augmente sa douleur »Citation tirée de l’Ecclésiaste.. Pourquoi le cœur et la chair de la femme y échapperaient-elles [sic]. N’entrons pas dans l’horrible nécessité du mensonge, autre esclavage ou marque [un mot illisible] auquel les femmes … et quelques hommes se soumettent si volontiers.

Mais bien entendu, je voudrais lire maintenant ce livre de Pauline Réage. Je n’en avais pas entendu parler du tout et j’ignorais jusqu’à votre préface. Chez qui a-t-il paru ? Je vais me le procurer.

Cher ami, merci de tout cela et à bientôt.

Votre fidèle Marie-Anne