Quand je te dis (hier), songeant au P.S de ta lettre : « J’ai la même crainte et le même désir que toi » (la même crainte : de toute ce qui peut agir contre nous – et la revue ; le même désir : d’être plus que jamais l’un près de l’autre et de ne rien nous cacher) – et que je te demande des exemples précis, tu me réponds en parlant de la partie critique de la revue...
Et je dis : la même crainte, le même désir. Non ; je suis sûr que ma crainte et mon désir sont encore plus vifs, plus profonds que les tiens. C’est que, quelque certitude que j’aie de ce qu’il faut faire, et quelques efforts que je fasse, je me trouve souvent atteint et meurtri là où tu prends les choses de sang-froid ou même avec un sourire, je tombe à la merci d’un découragement,
Je ne cesse de voir le haut de la tour, et trébucher à la première marche. Joins à cela qu’avec les années, avec la répétition, on se rend compte de sa propre fatalité. Et cela n’apporte rien ; on recommence ; on est condamné à recommencer ; on épouse un peu sa condamnation, et pourtant on est de plus en plus sensible à l’échec. Non, cela n’apporte rien, que certaine conscience, beaucoup d’angoisse et de frénésie.
Assez parlé de moi. Je t’embrasse