Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1956 Arland, Marcel (1899-1986) 1956 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1956 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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[1956] Samedi

je ne te comprends pas, Jean.

Au cours d’une atroce discussion à propos de ma fille, Janine me demande si mon père n’est pas mort d’une crise de delirium tremens ; me dit, sans me citer l’intermédiaire, qu’Edith Thomas le raconte, et le raconte comme le tenant de Dominique, qui le tient de toi. Même si c’était vrai, même si je te l’avais dit, tu aurais dû le tenir secret. Mais je ne te l’ai jamais dit et ce n’est pas vrai ; mon père est mort à 27 ans d’une maladie de coeur compliquée de néphrite, et n’a jamais présenté de déséquilibre. J’ai pu te parler d’un de mes oncles, ou grand-oncle (je ne l’ai pas connu), qui a eu de ces crises, m’a-t-on dit, et qui au reste est mort de tout autre chose, vers la cinquantaine, étant, je crois, maire du village. Même si c’est cela que tu as répété, et que l’on a déformé, tu aurais dû le garder secret, sachant précisément combien tout se déforme, qui peut atteindre quelqu’un.

Je te jure que je n’avais pas besoin de cela. Si l’on ne peut avoir confiance en quelqu’un, mieux vaut la parfaite solitude.

Je ne t’en veux pas. Mais cela me fait de la peine.

Marcel