Brinville
Ni hier ni aujourd’hui je n’ai pu venir à la Revue. Je me sentais déjà très fatigué à la fin de la semaine dernière ; et les deux jours que j’ai passés à Brinville, seul avec Dominique, quoique sans querelles, mais tendus, n’ont pas amélioré les choses. Hier mardi, je suis allé déjeuner chez ma mère ; mais Dom. [Dominique] attendait aussi Janine et m’a pris violemment à partie ; une scène atroce ; ma mère a fait venir un médecin pour moi. Puis Janine est venue et m’a emmené chez un second médecin, qui m’a dit de quitter Paris et de me reposer quelques jours. Janine m’a donc conduit à Brinville. Mais aujourd’hui, téléphones de Dominique, qui voulait absolument me rejoindre. J’ai dû dire que je partais sur la champ pour la Loire. Je partirai demain matin, si je peux ; j’essaierai de trouver un hôtel du côté d’Amboise, et d’y rester quelques jours – si je peux...
J’ai grand besoin de ne me sentir pas trop seul. Pensez à moi avec affection ; cela me fera du bien.
Je t’embrasse.
Et Janine n’est guère dans un état meilleur – Tout cela est plus pénible encore que je ne dis, que je n’ose dire...
Peut-être que Dom. [Dominique] (Dom. Aur. [Dominique Aury]) pourrait donner un coup de téléphone à Janine, pour prendre des nouvelles !
Je ne sais à quel hôtel je descendrai. Mais si tu as un mot à m’envoyer, tu peux le faire Poste Restante, Amboise (Indre et Loire)
- J’ai pu me rendre compte, cette fois, combien j’était attaché à ma mère. J’aurais instinctivement donné ma vie pour préserver la sienne. Et combien elle tenait à moi. J’ai voulu lui demander pardon du mal que j’ai pu lui faire ; mais elle ne voulait pas m’entendre, disait qu’elle avait toujours su que j’avais « bon coeur » ! Qu’elle était fière de moi, m’appelait « mon Marcel » … Une telle faiblesse à la fin, que, la tête dans sa jupe, je lui disais qu’il fallait que nous retournions tous les deux à Varennes dans notre cimetière, dedans. - Comment ne me suis-je pas dominé, alors que, la nuit précédente, elle avait eu une défaillance...