Cher Jean,
Mais je ne me sens guère qu’en service à la « nrf ». Je veux dire comme un soldat qui sert une cause qui lui est chère, qui essaie de la servir de son mieux, qui n’y parvient certes pas toujours. Ce n’est donc pas à Gide que je puis penser ; mais, au mieux, à Rivière, ou bien à toi quand tu as succédé à Rivière et n’avais pas encore pris cette grande figure.
Mais je comprends (quand tu me le dis) que, du dehors, on puisse penser qu’il y a « une sorte de suffisance ou d’insolence, à être directeur de la nrf. »
Je vais chercher et t’apporter la préface aux Oeuvres complètes de F.M. [François Mauriac] Tu verras qu’elle est anodine. C’est là ce qui justifie sans doute
Mais non, ce n’est pas à Kanters que je voulais répondre dans ma petite présentation. C’est à toi. Je m’étais mis dans la tête que tu ne comprenais point l’esprit de ces nouvelles1. (Mais, si tu as relu l’ensemble, tu as pu voir que j’ai mis à profit beaucoup de tes remarques).
L’esprit de ces nouvelles, est-ce que je le comprenais moi-même, est-ce que je le comprends à présent ? Je n’en suis pas sûr. Dès le début, sans doute, je sentais les divers accents qu’allait prendre l’ensemble ; j’en connaissais les thèmes et je devinais leur évolution. Mais je me suis jeté là-dedans avec passion et tremblement, n’attendant guère de lucidité que de l’instinct, guère d’équilibre que de l’opposition des excès, guère de « maîtrise » que dans la mesure où je me donnerais. Ce furent des heures d’une frénésie assez drôle – heureux en pleurant, déchiré en chantonnant. Après cela, j’avoue que je me sentais parfois tout
Je ne les ai plus revus. Mais j’espère qu’ils seront encore là quand j’écrirai, sur ma mort, quelques pages bien senties et, pour tout dire, définitives.
En attendant, il faut continuer la revue, prêter aux attaques, accepter – ce qui est plus grave, tu as raison – de faire de la peine, et de se tromper parfois.
Depuis janvier – à cause de Dom. [Dominique], et des répercussions que sa maladie a eues sur J. [Janine]– je me trouve dans un état de nerfs assez pénible (pénible aussi pour les autres, hélas). De là, peut-être, mes réactions à ce qui eût dû me laisser indifférent.
Mais reprenons, continuons, tendons à mieux. Et d’abord, comme tu le dis, communiquons davantage.
Je t’embrasse
Et ne nous ménageons pas les critiques. Ni les conseils et les mises en garde. Ni, tout de même, les encouragements.
1. un peu irrité peut-être que tu y cherches partout 1 ou 2 faits, 1 ou 2 figures ; que tu ramènes mon livre à un manichéisme fortuit