Si tu veux bien, Jean, je partirai jeudi matin (je crois que la revue sera bouclée), pour rejoindre Janine à Port-Cros.
Je ne me sens pas très bien. Ta présence m’a beaucoup aidé ; mon petit travail aussi, et je ne pouvais passer de journées plus régulières. Pourtant samedi, après déjeuner, je ne sais ce qui m’a pris, et effrayé ; d'abord une grande angoisse, puis des troubles dans la tête, au point que j’avais peur de devenir fou. J’ai lutté comme j’ai pu, mais vainement, pendant deux heures ; puis, rencontrant Duvignaud sur le palier, longue crise de larmes. Cela n’a disparu que vers le soir.
La veille, j’avais déjeuné avec mon frère. Il m’avait dit qu’à partir du milieu d’octobre, il ne pourrait plus nous aider, que ces déjeuners ne pouvaient durer (plus de 500.000 f par mois pour Dominique) ; nulle querelle, bien sûr, et comment ne l’aurais-je pas compris ! Il n’avait que parfaitement raison, et c’est bien ce qui m’a frappé – et qui sans doute est revenu en moi le lendemain.
Sans doute aussi la peine et le malaise qui me viennent de France et de Lambrichs. la moindre pensée charnelle (depuis des mois, depuis la fin de l’autre année, une telle cela pensée ne m’a pas effleuré – cela peut te sembler étrange, mais j’étais presque sûr, par d’anciennes expériences, qu’il en serait ainsi). J’éprouve le même sentiment de lassitude et de dégoût devant ce qu’elle représente. Mais aussi de la pitié, même pour sa fausseté, pour les milles formes de cette fausseté, pour celles qu’elle essaie encore de prendre aujourd’hui. Cela renforcerait, s’il en était besoin, ma résolution de ne plus l’avoir comme collaboratrice (voilà qui ne doit plus être mis en question) ; mais je sens trop sa misère (de tout ordre) pour n’en être pas frappé.
3 heures
Là-dessus, je l’ai vue après déjeuner. Sur mon refus de la reprendre à la revue, elle a changé d’attitude, s’en est prise à moi, a déclaré qu’elle n’admettait pas que j’appelle Lambrichs un “salaud”.
Je t’embrasse