Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1957 Arland, Marcel (1899-1986) 1957 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1957 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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mardi [1957] Cher Jean,

J’ai en effet reçu un mot de Fr. [France], qui m’annonce pour plus tard, pour Paris, une lettre plus longue ; qui m’annonce aussi de bonnes résolutions, comme toujours. Je lui réponds aujourd’hui.

« Faut-il la punir parce qu’elle est malade ? » dis-tu. Il ne s’agit point de la punir, mais, puisqu’elle est malade, de la préserver autant que nous pouvons de sa maladie – et de nous en préserver nous-mêmes. La vie que je dois mener est assez lourde, parfois assez atroce ; si je ne trouve pas un appui, à tout le moins ai-je besoin de n’être pas accablé davantage ; je ne vis que trop dans une atmosphère de maladie, de crise et d’égarement.

Quant à la présence et au travail que, dis-tu, nous devrions exiger d’elle ; je les ai vingt fois exigés ; elle a fait vingt promesses ; elle ne les a jamais tenues, et tu sais bien qu’elle ne peut les tenir.

Je suis convaincu depuis longtemps qu’il n’y a de chance de salut pour elle que si elle vit avec sa fille, ou près de sa fille avec son père ou ses sœurs. - Je la plains profondément. Mais tout ce que nous avons essayé de faire pour elle n’est parvenu qu’à flatter et aggraver son mal.

Après 15 jours passés loin de la clinique, Dom. [Dominique] s’y est présentée ce matin, pour discuter. On l’y a retenue de force. Que se passera-t-il ?

*

Oui, si tu veux bien m’envoyer dans une grande enveloppe les lettres qui m’ont été adressées à la revue, j’en serai content. - Mais c’est de celles de la rue St Romain que j’avais besoin ; Fr. [France] devait les y prendre et me les envoyer (la concierge était prévenue) ; serait-il possible que Dominique Aury le fasse ? Il ne s’agit que des lettres, mais pas des plis ou des livres. Certaines étaient urgentes (de mon frère, de Marceline, de la banque …) ; de là, pas mal d’embêtements ; mais peut-être, pour certaines d’entre elles, ne sera-t-il pas encore trop tard.

*

Bien entendu, dans ma lettre à Fr. [France], je ne ferai aucune allusion à L. [Lambrichs]. Oui, il est nécessaire (surtout pour moi, qui ne suis pas comblé, « que nous puissions nous parler l’un à l’autre en toute franchise, sans crainte de voir nos propos répétés. »

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Je suis bien content que tu songes à nous donner ce récit. Sera-ce pour le n° d’octobre ? Tu sais combien je le souhaitais.

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Je travaille – comme je peux – à mon « Larbaud », qui sera assez long.

En lisant le Journal, j’ai été touché, heureux, de voir combien Larbaud avait de sympathie et d’estime pour toi.

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Je fais maintenant de l’alpinisme, toujours avec le chien César.

As-tu des écrits (poèmes, essai, roman) d’André Miguel ? Il habite un mas voisin, avec sa femme, malade, qui peint (un tachisme assez émouvant ). Garçon sympathique ; il peint aussi, et non sans qualité.

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J’y pense : n’oublie pas de me faire envoyer une épreuve de mon [Allers ?] ; je la retournerai aussitôt, mais il y a des erreurs dans mon texte.

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Je te renverrai dans 1 ou 2 jours le livre d’Aubry. J’y ai trouvé quelques renseignements utiles. - Au demeurant, c’est un fatras.

*

Quand nous sommes arrivés en Provence, nous arrêtant au pont du Gard, dans un grand café, j’ai demandé un citron pressé. « Il y a la citronnade », m’a répondu le garçon. Mais il y avait aussi des citrons, dans une corbeille ; je les lui ai montrés ; il a pudiquement détourné les yeux en disant : « Mais il faudrait les presser », et m’a servi de la citronnade.

- Oui, mais quelques jours plus tard, en Arles, comme je venais de me récrier dans une petite rue sur la beauté de la ville, et que nous nous étions arrêtés pour regarder les maisons, un homme, assis devant sa porte, nous demanda si nous cherchions notre chemin. Je lui dis que non, que nous regardions, simplement. Et lui : « C’est que je suis là pour vous servir. »

Je t’embrasse.

Marcel

Quelques jours avant mon départ, j’ai vu dans le dossier « Hommage » des épreuves de Léger : mais étaient-ce les épreuves corrigées, je ne sais plus.