Bien sûr, si je montre une telle hargne (injuste et comique) contre la Provence, c’est que sa beauté ne m’échappe pas. - Ah ! hier soir, tout à côté de Montmajour, cette merveilleuse chapelle parmi les pins et les oliviers, que c’était beau, à peine tolérable de pureté ; et Arles, auparavant, qui m’a toujours ravi et le fait plus que jamais. - Mais, tu le comprends, c’est pour moi une terre étrangère, ce n’est pas ma loi, j’éprouve une sorte de peur. - Alors je déclare insolemment, comme j’ai fait avant hier devant dix personnes : « Je ne rencontre dans ce pays que des Belges, quelques Suisses, des Provençaux, pas un Français. » - Et le contact de Beucken et de ses amis n’est pas fait pour me calmer. Janine va se lamenter près de B. [Beucken], qui lui dit que, bien pédéraste (mais oui, il s’en vante à présent!) il la comprend, et que je suis un homme sans éducation – ce dont ma naissance d’ailleurs est seule responsable. J’éprouve dans ce pays un sentiment d’abandon et de désert, qui n’a rien à voir avec la merveilleuse solitude où l’on peut se retrouver et retrouver le monde.
Et j’ai honte de me plaindre, de t’écrire par exemple une telle lettre, d’empoisonner mes amis avec mon incohérente frénésie, d’être si loin, si monstrueusement loin de ce que je voudrais être. Assez.
J’ignorais les rapports de G.L. [Georges Lambrichs] Et de Fr. [France]. Je ne vis que parmi les mensonges. Quel dégoût ! Cette sale petite chose (je parle de la comédie, non du fait), normale de la part de Fr. [France], moins normale de la part de L. [Lambrichs], achève de m’écoeurer. - Et même Fr. [France] ; j’étais absolument en paix, en paix souriant et amical, avec tout ce qu’elle pouvait faire, prêt à la comprendre, et à l’aider ; mais, j’ai beau la connaître, sa fausseté m’en apprend toujours. Quelques jours encore avant mon départ, me demandant de lui avancer 20.000 fr : « c’est que je n’ai personne d’autre à qui m’adresser » - si elle revient à la revue, je n’y reviendrai pas*. C’est bien là ce qu’elle cherche depuis longtemps.
Je t’embrasse, et te demande de m’excuser.
*J’ai d’ailleurs la conscience de faire à la revue, depuis quelques temps, plus de mal de bien (comme partout) et je ne puis le supporter.
Au demeurant j’estime que ce n’est plus à nous, mais à G.L. de prendre la responsabilité de F. Qu’il la fasse entrer chez Grasset, mais non point vivre mes crochets.