Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1957 Arland, Marcel (1899-1986) 1957 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1957 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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mardi [1957]

Cher Jean,

L’île s’est montrée pleine d’attention pour me recevoir ; pas de soleil, pas de vent, un peu de brume : la journée la plus douce que depuis longtemps j’aie passée. Puis nous avons eu du soleil, du mistral et même de la pluie, mais je me promène par tous les temps ; je revois tout, je fais encore des découvertes. Nous habitons le Fort, avec Marceline et Pierre ; les repas au Manoir, avec l’Intendante, l’Abbé et sa Gouvernante. J’apprends à l’Abbé le Lexicon et un peu de latin ; il me semble doué pour la première de ces disciplines. Marceline mêle à ravir le profane et le sacré, chante et soupire, se découvre un blason (Sirène aux Anémones), et cherche avec moi comment avancer dans le seul chemin qui nous convienne : celui de la perfection. Elle hésitait encore sur cette voie ; mais je lui en ai montré la modestie, lui disant que la sage modération exige une fermeté et un bonheur où nous ne pouvons guère prétendre, de telle sorte que c’est par manque de forces et de courage que nous sommes condamnés à la perfection. (C’est aussi bien la réponse que je te ferai, quant à l’usage du vin). Tout cela, Marceline l’a fort bien compris, et comme elle attend un chien des Pyrénées, bête magnifique et redouttable, elle l’appellera Fatum.

Nous rentrerons dans huit jours. Je t’embrasse.

Marcel.