Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1957 Arland, Marcel (1899-1986) 1957 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1957 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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mercredi [1957]

Cher Jean,

je suis bien content que ce n°, qui t’a donné tant de peine, soit achevé.

Je ne me souviens pas du texte d’Ungaretti. Je crois que tu as bien fait de supprimer les attaques de Ponge contre Léger.

Au demeurant, cela fera un hommage passable, sans éclat (que n’est-il mort plus tôt!)

Je ne doute pas du zèle de France, qui a bien tenu à montrer que la revue, qui peut se passer de moi, ne peut se passer d’elle. Quand à ses connaissances en latin, elles parviennent parfois jusqu’au milieu de la deuxième déclinaison. - Je le dis en homme qui, chaque matin, sur la plage encore déserte, traduit de 5 à 10 pages de Tacite. C’est un bon professeur de gymnastique, un peu facile.

Je travaille beaucoup (en dehors de la gymnastique). Bien ? C’est autre chose. Mais enfin je terminerai demain ou après-demain la longue nouvelle dont je t’ai parlé. Bien dangereuse. J'ai peur que l’on y sente un peu trop mon éternelle philogynie, le plaidoyer pour la femme, l’attendrissement sur sa misère, sa servitude etc. Cela s’appelle : Inconsolée.

- Nous avons reçu la visite de Clancier et de sa femme ; Duvignaud et Obaldia s’annoncent pour demain. Catherine est allée retrouver Jean Lambert à Pérouse. Le fakir birman devait hier donner une soirée dans la salle des fêtes ; mais, au dernier instant, comme il n’y avait dans la salle que quarante personnes (Janine et moi, et trente-huit enfants), il a remboursé le prix des places.

Sur la plage, ce matin, treize cadavres de méduses : c’est effrayant.

Pas une goutte de pluie depuis deux mois.

Je suis assez troublé par les évènements d’Afrique. Ce n’est pas la lecture de l’Express qui m’apaise. Je me sens parfois pris d’une sorte d’horreur contre ce vaniteux, ce gonflé, ce Chateaubriand sans cœur ni noblesse. Il me semble qu’à sa place j’aurais peine à dormir, songeant aux cadavres dont un vieillard, qui apporte dans la politique une avidité d’homme de lettres, peut être responsable.

- C’est Claude Gallimard, qui, en juillet, m’a demandé si nous pourrions publier, dans le n° d’octobre, la préface écrite par Camus pour l’édition des Thibaud dans La Pléiade, et des fragments où Martin du Gard s’explique sur son œuvre. J’ai répondu : oui, bien sûr. Claude parti, j’ai demandé les textes à Gaston, vers la mi-juillet : Gaston m’a dit qu’il fallait s’adresser à Claude. Voilà.

Nous sommes ici jusqu’à la fin du mois.

Je t’embrasse

Marcel

Écris-moi encore, veux-tu, et dis-moi si l’on t’a enfin remis les textes de Camus et de Martin du Gard.

Remarque : ce ne serait pas un malheur s’ils ne paraissaient qu’en Novembre. Nous avons Montherlant ; nous pourrions avoir Kafka ou Kierkegaard (dont on va célébrer l’anniversaire) ; la sculpture chinoise ; la « nouvelle » extraite du long roman autobiographique de cette jeune femme (il est nécessaire de la donner en octobre ; le livre va paraître) ; les études de Poulet, Richard, Starobinsky, Sarraute … ; les poèmes de Fombeure (si le livre n’a pas encore paru) ; la nouvelle chinoise ; la nouvelle de Remizov (Le Mariage) ; le Témoignage de Parain ; le long poème de Dadelsen...

Tu m'avais parlé d'un livre pour Janine (sur la sculpture romane?). Veux-tu bien le mettre de côté jusqu'à notre retour ? Merci.