Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettre de Marcel Arland à Jean Paulhan, 1958 Arland, Marcel (1899-1986) 1958 chargé d'édition/chercheur Société des Lecteurs de Jean Paulhan, IMEC, Université Paris-Sorbonne, LABEX OBVIL ; projet EMAN (Thalim, ENS-CNRS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1958 Fiche : Société des Lecteurs de Jean Paulhan ; projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
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[1958]

Cher Jean,

Me voici au bout du monde ; c’est un peu ma spécialité. Le bout du monde, cette fois, est au bout nord de la Bretagne, au bout d’une pointe, passé le dernier village, dans une petite maison isolée, qui sert d’annexe à l’un des deux hôtels de ce village. J’y suis seul, mis à part un jeune peintre tchèque et figuratif, que, donc, j’ignore. Pour vis-à-vis une baie très vaste, à demi fermée sur la haute mer par une floraison d’îlots. Je me promène du matin à la nuit, malgré le vent, les grains et un rhumatisme au genou. Par delà les îlots de ma baie (la baie des Saints Anges), je devine Ouessant, où je fus autrefois druide, et dont, comme tu le sais, une pointe et un golfe portent mon nom.

Hier, j’ai relu à loisir la seconde partie de Le Clair et l’Obscur. Je la trouve très belle, très importante. À vrai dire je ne prévoyais pas que l’essai se développerait ainsi. Je me préparais à un vagabondage mystico-sentimental (je veux dire que j’en attendais la permission), et tu m’apportes la clé du monde, mais il faut que je relise l’ensemble.

Je ne travaille pas. Je me raconte en me promenant de petits bouts d’histoires. Parfois il me semble sentir qu’elles coïncident avec ce qui est de l’autre côté. Cela ne dure pas. Je recommence. La nuit venue, pour reprendre pied et figure humaine, je lis Tacite, qui n’est pas breton pour un sou. Je t’embrasse

Marcel

Tous les petits contes auxquels je rêve depuis une dizaine de mois pourraient s'appeler : De l'autre côté. J'en ai écrit sept ou huit - nullement au point. D'autres choses aussi. Mais je n'ai pas la moindre envie de les publier. 

+ Ne faudrait-il pas demander à Lemarchand une chronique ? Je pense que Fernandez ne nous donnera rien.