[1958]
Je sens profondément ta lettre, ce que tu me dis sur « l’expérience intolérable à laquelle il faut désormais faire place », et tout, même les citations. C’est un réconfort, de savoir que ce que tu penses si lucidement et ce que j’éprouve si violemment se rejoignent.
Et que l’amitié soit « d’abord, soit surtout de chercher quelque chose ensemble et d’avancer ensemble dans la recherche », je n’en doute point. Simplement, j’ai besoin d’un mot, de temps en temps, qui me dise précisément : « Nous sommes ensemble ».
Mais oui, il ne s’est guère passé d’années que je ne te fasse une ou plusieurs scènes. Et peut-être injustes. Mais si je songe à notre amitié, je n’en vois que le bien, et le constant progrès malgré ces piques. Je me reproche des accès d’humeur,
Repose-toi, travaille. Aussi longtemps qu’il le faudra. Cela ira bien à la Revue. Mais si tu t’aperçois de quelque erreur, dis-le moi.
Je t’embrasse, Jean.